L'Ontario a beaucoup plus de succès que le Québec dans la chasse aux proxénètes. Des données obtenues par La Presse montrent que la province voisine porte 13 fois plus d'accusations contre des proxénètes devant les tribunaux que le Québec. Comment expliquer un écart aussi vertigineux ?

Nettes disparités

Les données du ministère de la Justice ontarien compilées à la demande de La Presse sont sans équivoque. L'Ontario a déposé autant d'accusations contre des proxénètes chaque année depuis 2007 que le Québec l'a fait en l'espace de 10 ans. Le scénario est le même pour les accusations de traite de personnes - 6 fois plus d'accusations - et de sollicitation - 13 fois plus. Cette dernière accusation peut viser autant les prostituées que leurs clients.

Accusations de proxénétisme

• Québec 2007-2015: 253

• Ontario 2007-2015: 3264 (13 fois plus)

Accusations de traite de personnes

• Québec 2007-2015: 121

• Ontario 2007-2015: 727 (6 fois plus)

Accusations de sollicitation

• Québec 2007-2015: 461

• Ontario 2007-2015: 6279 (13 fois plus)

La balle renvoyée aux policiers

Comment expliquer un tel écart ? Au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), l'organe qui autorise les poursuites au Québec, on renvoie la balle aux policiers. « Le DPCP traite tous les dossiers soumis par les corps de police. Il appartient aux policiers d'initier et de mener les enquêtes. Nous intervenons à partir du moment où les policiers nous soumettent un dossier », dit Jean-Pascal Boucher, porte-parole du DPCP. Nous avons demandé une des commentaires au Service de police de la Ville de Montréal, mais au moment de publier, nous n'avions toujours rien reçu.

Une question de ressources?

La criminologue Maria Mourani a son explication. « La grosse différence avec Montréal, ce sont les ressources. Ça m'a toujours surprise et choquée de voir à quel point les policiers de Toronto ont beaucoup plus de ressources pour mener leurs enquêtes. Leurs escouades de moralité ont pas mal plus d'enquêteurs et pas mal plus de ressources. Plus de policiers sur le terrain, c'est plus de monde arrêté, observe-t-elle. Mais pour que les corps de police se disent oui, on met toute la gomme sur la prostitution, il faut un mot d'ordre de la Ville. »

La sollicitation moins visée

La criminologue observe toutefois que les accusations de sollicitation - qui, en théorie, peuvent viser la prostituée ou son client, mais qui dans la réalité visent souvent bien davantage les prostituées - ont suivi la même trajectoire en Ontario qu'au Québec : elles ont dramatiquement reculé. « Il y a eu un changement de culture dans la police en Ontario et au Québec pour dire : on ne devrait pas s'attaquer aux filles. On s'attaque plutôt aux proxénètes. »

Accusations de sollicitation en Ontario

• 2007 : 1542

• 2008 : 1253

• 2009 : 1237

• 2010 : 1067

• 2011 : 508

• 2012 : 389

• 2013 : 249

• 2014 : 8

• 2015 : 26