Ils sont triés sur le volet, encadrés et doivent être disciplinés tout au long de leur carrière. Et pourtant, chaque année, des militaires commettent des crimes parfois très violents. Agression sexuelle, enlèvement, vol qualifié ou pornographie juvénile... Les données de la police militaire ont de quoi susciter des inquiétudes, d'autant que la justice militaire manque de transparence, estime un expert.

Selon les données les plus récentes de la Défense nationale obtenues à la suite d'une demande d'accès à l'information, la police militaire des Forces canadiennes a enquêté sur 817 crimes violents, entre le 1er janvier 2012 et le 31 mars 2013. On compte notamment 2 enquêtes pour homicide, 115 pour agression sexuelle, 22 pour infractions sexuelles commises contre des enfants et 19 pour enlèvement ou séquestration. On compte aussi 12 cas présumés de pornographie juvénile.

La Défense précise qu'il s'agit d'enquêtes et non pas de condamnations au criminel. Or, La Presse a demandé, il y a déjà plusieurs semaines, d'obtenir des informations sur ces condamnations, mais nos requêtes sont restées lettre morte.

Il est en outre difficile de dégager l'évolution des tendances puisque, dans le rapport annuel de la police militaire de 2011 (qui répertorie les données des années 2008 à 2011), les catégories de crimes ou d'infractions ne sont pas les mêmes que celles du rapport de 2012-2013.

Manque de transparence

Le colonel à la retraite et avocat Michel Drapeau déplore d'ailleurs le manque de transparence du système de justice militaire. Il estime que les données des dernières années traduisent tout de même un problème « systémique » au sein des Forces canadiennes.

« Soit au départ on ne choisit pas avec autant de rigueur les recrues, soit on n'est pas capable de les détecter pendant leur service, comme ce fut le cas du commandant Russell Williams [qui a été reconnu coupable de deux meurtres] », croit Me Drapeau.

« On a une armée de professionnels qui ont été sélectionnés et qui sont bien payés et bien encadrés [...], on leur demande d'avoir une discipline et une conduite irréprochables, car on leur confie des tâches lourdes et ils appliquent la force », poursuit Me Drapeau.

« Les Forces armées canadiennes (FAC) et la police militaire des Forces canadiennes prennent au sérieux toutes les allégations d'infraction sexuelle commise par un membre des FAC », assure pour sa part le major Yves Desbiens, officier supérieur des affaires publiques de la police militaire des Forces canadiennes.

« Il incombe à chaque militaire de maintenir une conduite et un rendement conformes aux normes professionnelles », ajoute la capitaine de corvette Meghan Marsaw des Forces canadiennes.

Me Drapeau est d'avis que les autorités militaires ne devraient pas enquêter sur les crimes violents de leurs membres et que les militaires devraient être jugés comme des civils. « Ce n'est pas tant que le militaire reçoit un traitement de faveur, même si la perception est là. Mais le problème est plutôt qu'on a une justice à deux vitesses. »

- Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse