Septembre 2011. Les agents de l'Agence des services frontaliers du Canada décident d'inspecter «une expédition inhabituelle» en provenance de la Colombie à l'aéroport Montréal-Trudeau: 700 kilogrammes d'asphaltite gilsonite.

Grâce à un outil de détection de drogues, ils y trouvent de la cocaïne mélangée avec la poudre d'asphalte. Les chimistes en extraient un total de 10 kilogrammes.

La méthode de dissimulation tout à fait inusitée, découverte dans le cadre de l'enquête Clemenza, a été imaginée grâce à un processus «hautement technique et sophistiqué», selon la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Alain Lachapelle, professeur de chimie au Collège André-Grasset, croit que les suspects ont dû tout simplement mélangé la cocaïne et la poudre d'asphalte ensemble.

À son avis, il aurait été trop difficile de faire de la manipulation moléculaire afin d'intégrer les deux éléments en un seul, étant donné la grande quantité de cocaïne et d'asphalte.

«Avec les quantités qu'ils avaient, ils ne pouvaient pas y faire de manipulation chimique, ce serait trop compliqué et trop coûteux», dit-il.

Pour séparer les deux éléments à la fin du transport, Alain Lachapelle soumet l'hypothèse suivante: les suspects ont peut-être tout simplement plongé le mélange cocaïne-asphalte dans une solution aqueuse acide. «Çela aurait transformé la cocaïne en son sel et l'aurait rendue très soluble dans l'eau», avance le spécialiste.

Martial Boivin, président-directeur général de l'Ordre des chimistes du Québec, croit lui aussi que la poudre d'asphalte et la cocaïne peuvent se dissoudre dans une substance liquide.

Des restes de pétrole

Quoi qu'il en soit, les deux chimistes s'entendent pour dire que les narcotrafiquants ont probablement dû d'abord utiliser la technique «essai-erreur» pour trouver la meilleure façon de récupérer la drogue, puisqu'il n'existe pas de solution parfaite.

Le mélange de l'asphalte et de la cocaïne reste extrêmement toxique. Les chimistes s'entendent pour dire qu'il subsiste toujours des traces d'un élément dans l'autre, et ce, même après le processus d'extraction.

«C'est toujours difficile de l'éliminer au complet. On peut arriver à un certain degré de pureté, mais il y avait probablement encore un déchet d'asphalte dans la cocaïne», indique Alain Lachapelle.

La poudre d'asphalte dérive du pétrole, ce qui veut dire que la cocaïne extraite aurait été potentiellement contaminée par du pétrole, l'un des éléments les plus nocifs pour la santé. «L'asphalte, c'est le fond de la cuve quand ils font la distillation du pétrole, c'est trois tonnes de cochonnerie», dit Alain Lachapelle.