À moins d'un revirement spectaculaire, la mafia montréalaise, cette année, devrait encore être dirigée par un «conseil d'administration» composé de chefs de clan, de membres de la jeune génération de familles siciliennes ainsi que d'alliés influents et en moyens, issus de différents milieux.

Selon plusieurs sources interrogées par La Presse, même si des noms ont été évoqués dernièrement, personne n'a, pour le moment du moins, la prestance, le respect ou la santé nécessaires pour occuper le siège du parrain, vacant depuis la mort naturelle de Vito Rizzuto, il y a un an.

Mais surtout, personne ne doit se bousculer au portillon par les temps qui courent : il pourrait être dangereux de s'afficher comme candidat à ce poste autrefois si convoité. Après une accalmie de plusieurs mois, une certaine tension, pour ne pas écrire une tension certaine, règne en effet depuis quelques semaines dans le milieu.

Des chefs de clan reçoivent des messages ou des commandes et doivent surveiller leurs arrières. Des incendies criminels portent la signature typique de la mafia, dont deux au restaurant La Cantina, autrefois l'un des symboles du clan dominant des Siciliens.

Ce regain de tension ne présage rien de bon pour 2015.

Direction fragile

Alors que l'influent Vito Rizzuto était parvenu à rallier les troupes après des années de guerres intestines, son départ soudain laisse des fissures dans la structure du crime organisé à Montréal. «La situation est de nouveau instable en raison de la fragilité du leadership. La table de direction actuelle n'a pas le contrôle», nous a dit une source, qui a cité l'exemple de Tonino Callocchia, ce lieutenant de la mafia vraisemblablement victime d'une purge interne le 1er décembre.

Selon nos sources, Callocchia était littéralement assis à la droite du parrain après le retour de ce dernier à Montréal, à l'automne 2012. Mais Vito Rizzuto parti, Callocchia aurait commencé à mener ses affaires en solitaire, sans rendre de comptes au conseil d'administration. Ce manque de respect envers ses nouveaux patrons démontre par le fait même qu'ils n'ont pas l'autorité absolue.

Les «criminels organisés» de la nouvelle génération n'ont pas les mêmes valeurs que leurs pères. L'heure n'est pas venue où l'un d'eux voudra lever la main pour s'imposer comme chef. Il a fallu quelques années à la police pour déterminer que Nicolo Rizzuto était le nouveau parrain de la mafia, au tournant des années 80, suivi de son fils, Vito, vers la fin des années 90.

Plus que jamais, les différents corps de police, aux prises avec d'importantes compressions budgétaires, doivent compter sur leurs enquêteurs spécialisés (UMECO, ERM, Crimes contre la personne SQ, Sections de renseignements, Division du Crime organisé, Division des Crimes majeurs, sections des stupéfiants SPVM, etc.) et des escouades telles Éclipse (SPVM) et la BIM (SPAL), qui font un travail primordial de renseignement sur le terrain.

Sans compter que pendant que la mafia s'affaiblit, d'autres groupes du crime organisé se renforcent. Il est bien possible que la belle alliance qui existe depuis plusieurs années entre les organisations criminelles se fissure un jour.