De quels quartiers proviennent les criminels incarcérés dans la région de Montréal? La Presse a cartographié l'origine des détenus qui purgent leur peine à Bordeaux, Rivière-des-Prairies et Tanguay.

Montréal-Nord, Saint-Michel et Hochelaga-Maisonneuve sont les trois quartiers d'où proviennent le plus de criminels détenus dans les prisons provinciales situées dans la région de Montréal, révèlent des données obtenues par La Presse.

À Bordeaux et à Rivière-des-Prairies, où sont incarcérés les hommes qui purgent une peine inférieure à deux ans ou qui attendent un procès, au moins 75 détenus sur un peu plus de 2000 proviennent de ces trois quartiers - sans compter ceux qui n'ont pas fourni leur code postal en entrant en prison.

Chez les femmes, une tout autre tendance se dégage. Entre les murs de Tanguay, ce sont les Inuites du Grand Nord québécois qui sont surreprésentées. Au moment de notre demande aux services carcéraux, 19 des 147 détenues venaient du Nunavik, soit 13%. Au Québec, les Inuits (hommes et femmes) représentent moins de 1% de la population.

Parmi tous les membres des Premières Nations, «les Inuits connaissent la plus forte surreprésentation dans le système correctionnel québécois», convient Clément Falardeau, relationniste au ministère de la Sécurité publique. Ils représentent à eux seuls près du tiers des autochtones incarcérés.

D'où viennent les criminels?

La Presse a voulu savoir si certains quartiers ou régions sont des pépinières de criminels. Pour le découvrir, nous avons demandé, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, la liste des trois premiers caractères des codes postaux des personnes détenues dans les trois prisons provinciales de la région de Montréal.

Le ministère de la Sécurité publique du Québec nous a fourni les données pour le 9 avril 2014, la journée où il a reçu notre demande. Les établissements de Bordeaux, Rivière-des-Prairies et Tanguay hébergeaient alors 2267 personnes.

De ce nombre, environ la moitié avaient fourni un code postal à leur entrée en prison, puisque ce n'est pas obligatoire. Les renseignements obtenus indiquent dans quels quartiers vivaient les détenus avant d'être incarcérés - ou du moins d'où ils disent provenir.

Toujours les mêmes quartiers

Alors que la plupart des quartiers montréalais ne génèrent chacun qu'une poignée de détenus, les criminels issus de Montréal-Nord, de Saint-Michel et d'Hochelaga-Maisonneuve sont beaucoup plus nombreux. Certains secteurs de la Montérégie sont aussi surreprésentés.

Le criminologue Marc Ouimet n'est pas surpris de ces résultats. En entrevue, il a même deviné les quartiers qui se retrouvaient en tête de peloton avant même que notre journaliste eût terminé sa phrase. «Vous n'avez pas besoin de me les dire. Je vais vous les nommer», nous a-t-il poliment dit.

Plus un quartier est pauvre, plus le nombre de délinquants sera élevé. Et plus le nombre de jeunes résidants est élevé, plus ça va brasser, résume M. Ouimet. C'est ce qu'il appelle les «classiques criminologiques».

Hochelaga-Maisonneuve et Montréal-Nord comptent aussi de nombreuses maisons de transition pour ex-détenus.

Il existe relativement peu d'études mettant en relation le lieu de résidence des suspects de crimes et l'endroit où le crime a été commis, fait remarquer M. Ouimet.

En moyenne, la majorité des suspects commettent des crimes à l'extérieur du territoire du poste du quartier dans lequel ils résident, selon une étude qu'il a réalisée à Montréal en 1996. Certains types de criminels font toutefois mentir cette tendance. La majorité des agresseurs sexuels commettent leurs agressions dans leur propre quartier, toujours selon M. Ouimet.

Un défi logistique

Derrière les barreaux, cette concentration de personnes qui proviennent toujours des mêmes quartiers pose un défi logistique de taille pour les autorités, notamment avec les membres de gangs de rue. Avec les problèmes bien connus de surpopulation entre les murs des prisons, la marge de manoeuvre est plus que mince.

«Plusieurs procédures sont en place selon la clientèle et les infrastructures disponibles afin d'assurer la sécurité de la population carcérale et du personnel en place», explique Clément Falardeau, qui refuse d'entrer dans les détails «pour des raisons de sécurité».

- Avec la collaboration de Serge Laplante