Un procès pour meurtre prémédité qui avorte en raison d'un désaccord du jury, ça arrive. Un deuxième qui finit de la même façon, c'est beaucoup plus rare. C'est pourtant ce qui est arrivé à Tivon Bradshaw, qui aspire maintenant à recouvrer la liberté, en attendant d'être jugé pour la troisième fois pour le même crime.

«Il y a plein de choses dans la colonne des plus. Il y a plein de choses dans la colonne des moins», a fait valoir le juge Guy Cournoyer, hier, avant de dire à M. Bradshaw que son cas était «unique», qu'il allait y réfléchir et rendre sa décision le 30 mai.

Un crime vieux de 10 ans

Le crime est survenu il y a 10 ans. Abdus Shahid Decoteau, 25 ans, sortait du Peel Pub, dans Notre-Dame-de-Grâce, la nuit du 30 octobre 2003, quand il a été atteint de trois projectiles à la tête. Selon le ministère public, Tivon Bradshaw est le tireur. Il se serait vengé parce qu'au cours des heures précédentes, il s'était fait malmener dans les toilettes du bar par un groupe de jeunes hommes, dont Decoteau, qui lui avait en outre volé son médaillon.

La police avait vite eu Bradshaw dans sa ligne de mire après le meurtre, mais il était introuvable. En effet, le suspect avait fui aux États-Unis, où il a résidé illégalement sous une fausse identité pendant six ans. En 2009, il a été épinglé et a été extradé au Canada.

Son premier procès s'est déroulé en 2012, son second en 2013. Tous deux ont avorté après sept jours de délibérations du jury. Le troisième doit se tenir en octobre 2014.

M. Bradshaw avait 23 ans à l'époque. Il en a 33 aujourd'hui. Il a mûri et les circonstances qui existaient en 2003 ne sont plus les mêmes, a fait valoir son avocat, Me Marion Burelle. Le climat n'est plus le même, il n'y a plus cette rivalité entre gangs, dit-il.

Par ailleurs, M. Bradshaw a un plan de sortie. Sa mère et sa grand-mère, malgré leurs moyens limités, sont prêtes à s'engager financièrement pour assurer qu'il se représentera devant la Cour. Il pourrait travailler comme apprenti briqueteur. Me Burelle a rappelé que «24 personnes» n'étaient pas parvenues à s'entendre sur sa culpabilité et que la preuve n'allait pas s'améliorer avec le temps. «On ne peut pas parler de preuve accablante», a-t-il dit.

M. Bradshaw, d'origine jamaïcaine, a témoigné hier. Me Burelle convient que ses réponses ne sont pas limpides, qu'il a eu un style de vie particulier, que c'est un homme à femmes. Il a quatre enfants (trois aux États-Unis, un au Canada) avec trois femmes. C'est le portrait réel de son client, sans fioritures. «J'aimerais ça qu'il soit président de la Banque du Canada...», a lancé l'avocat.

Risques de fuite

Le procureur de la Couronne Alexandre Dalmau s'oppose fermement à toute mise en liberté. D'abord, en raison des risques de fuite. M. Bradshaw a été en cavale pendant six ans, alors qu'il se savait recherché. Il est parfaitement capable de «demeurer sous le radar» et de prendre une fausse identité, dit-il. Avant le meurtre, il était sorti pendant quelques mois avec une policière à qui il avait donné un faux nom.

Le procureur a aussi dit qu'il y a eu de la violence dans sa vie. Il était avec son frère quand ce dernier s'est fait tuer par balles. M. Bradshaw lui-même a été la cible d'un tireur dans le passé. Depuis qu'il est en prison, en détention préventive, il a été surpris deux fois avec de la marijuana, ce qui lui a valu des condamnations.

Aux États-Unis, il a aussi eu maille à partir avec la justice. Enfin, la preuve est sérieuse, a indiqué Me Dalmau.

M. Bradshaw sera fixé le 30 mai.