L'Unité permanente anticorruption (UPAC) a été saisie du dossier de falsification des extras pour des travaux gérés par la firme de génie-conseil BPR à Saint-Gilles-de-Lotbinière.

Le ministère des Affaires municipales a confirmé hier à La Presse avoir alerté l'UPAC à la suite des audiences du conseil de discipline de l'Ordre des ingénieurs tenues en début de semaine. Selon la preuve exposée par le syndic de l'Ordre, le MAMROT ainsi que le ministère des Transports ont été floués de quelque 200 000$ lors de travaux de construction des réseaux d'eau et d'égouts de Saint-Gilles-de-Lotbinière, entre 2004 et 2007.

Le témoignage des trois ingénieurs fautifs démontre que ce stratagème relève d'une «culture» d'entreprise et même, d'une «pratique courante dans l'industrie». C'est dire que BPR aurait pu falsifier des extras pour d'autres projets dans d'autres municipalités.

Du coup, «Le MAMROT prendra les mesures nécessaires auprès de la municipalité concernée», a indiqué la porte-parole du ministère, Caroline St-Pierre.

De son côté, le MTQ analyse aussi la possibilité d'aller en justice pour récupérer les sommes payées en trop. Rien n'indique toutefois qui, de BPR ou de la municipalité de Saint-Gilles, sera visé par ces éventuelles démarches.

Pour l'avocat de BPR (Tetra Tech), Me François Morin, qui représentait les trois ingénieurs coupables, il semble clair que Saint-Gilles a une responsabilité centrale dans le dossier. Dans sa plaidoirie devant le conseil de discipline qui doit décider des sanctions à imposer aux ingénieurs, Me Morin a argué qu'un client, en l'occurrence Saint-Gilles, qui «laisse agir, c'est qu'il approuve» les gestes. Selon cette logique, si la municipalité savait ce qui se passait dans les bureaux de BPR, «ce n'est donc pas de la falsification», mais plutôt des «raccourcis administratifs».

Le maire étonné

Joint à sa sortie de l'hôtel de ville, le maire de Saint-Gilles, Robert Samson, s'est dit étonné par la tournure d'un projet si important pour sa communauté. «Comme élus, on n'a rien à se reprocher. On ne savait pas et on ne pouvait même pas imaginer que ça fonctionnait de même chez BPR», a-t-il affirmé.

M. Samson a expliqué qu'un comité de vigilance avait suivi le projet pas à pas et avait rarement accepté les extras réclamés. «Ils frappaient un mur, a relaté M. Samson. On s'attendait à ce que BPR fasse tout pour aller chercher de l'argent, mais il n'était pas question de voler personne.»

Comme une majorité de municipalités au Québec, Saint-Gilles n'a pas d'ingénieurs à son service qui puissent servir de rempart. La situation révélée par l'enquête du syndic laisse le maire perplexe pour la suite des choses. «Qu'est-ce qu'on va faire quand on va avoir besoin de conseils d'ingénieurs si c'est la même chose dans toute l'industrie?», laisse-t-il tomber.

L'avocat du syndic de l'Ordre des ingénieurs, Me Jacques Prévost, a réclamé du conseil de discipline une radiation d'un an, 2 et 4 ans selon la responsabilité des ingénieurs. Il a également demandé que les coupables assument les frais d'expertise en juricomptabilité (200 000$). La défense a plutôt recommandé des amendes et une suspension de deux semaines pour l'ingénieure chargée du projet.

La cause a été mise en délibéré.