L'ex-organisateur du Parti libéral du Canada (PLC) Jacques Corriveau devra comparaître le 10 janvier au Palais de justice de Montréal sous des accusations de fraude envers le gouvernement, de fabrication de faux documents et de recyclage des produits de la criminalité en lien avec le scandale des commandites.

Ces accusations surviennent en marge du projet Carnegie de la GRC, une enquête amorcée en 2002 dans la foulée du scandale des commandites. Le volet visant Jacques Corriveau, lui, avait été lancé il y a plus de six ans.

«Le projet Carnegie est un projet très long avec de multiples phases, a expliqué le gendarme Érique Gasse, vendredi en point de presse lors de l'annonce du dépôt des accusations. Dans le cas de M. Corriveau, l'enquête a commencé en 2006 pour se terminer en 2010. Aujourd'hui, nous sommes contents de dire que M. Corriveau va faire face à la justice.»

Jacques Corriveau, qui est maintenant âgé de 80 ans, fait l'objet d'un acte d'accusation privilégié, une procédure qui permet de l'envoyer directement à procès sans devoir subir d'enquête préliminaire.

Selon la GRC, il aurait mis en place un système de ristournes dans l'attribution des contrats reliés au Programme des commandites.

Jacques Corriveau aurait ainsi utilisé son influence auprès du gouvernement Chrétien pour faciliter l'obtention de contrats pour certaines firmes de communication du Québec, obtenant du même coup des avantages ou des bénéfices totalisant plusieurs millions de dollars pour lui-même ainsi que pour d'autres personnes dont l'identité n'a pas été dévoilée par les policiers fédéraux.

Plus précisément, l'enquête de la GRC conclut que l'accusé aurait favorisé l'attribution de commandites fédérales au Groupe Polygone-Expour, pour la réalisation de diverses publications et pour l'organisation d'expositions dans le domaine de la chasse, de la pêche et du plein air.

En retour, l'entreprise de M. Corriveau, Pluridesign, aurait reçu des millions de dollars versés par Polygone-Expour sous le couvert de services professionnels qui, dans les faits, étaient fictifs et consignés dans des «factures bidon».

M. Corriveau aurait également exercé son influence auprès du gouvernement libéral d'alors afin que Groupaction Marketing reçoive le mandat de gérer une partie des commandites destinées au Groupe Polygone-Expour. Encore là, l'accusé aurait authentifié ces prétendus services à l'aide de fausses factures.

Un des volets de l'enquête menée par l'Unité mixte des produits de la criminalité a permis d'émettre des ordonnances de blocage sur deux comptes de placements ainsi que sur la résidence de l'accusé.

La GRC précise par ailleurs qu'une partie des fonds obtenus grâce aux activités frauduleuses de M. Corriveau aurait été déposée dans les coffres du Parti libéral du Canada et que le reste aurait été conservé pour son bénéfice personnel.

En 2005, le témoignage de M. Corriveau à la commission d'enquête publique avait permis de constater que ce graphiste et libéral notoire en menait large dans la foulée des contrats fédéraux de commandites, presque dix ans plus tôt.

Le commissaire John Gomery avait affirmé dans son rapport que M. Corriveau était «l'acteur central de ce système élaboré de pots-de-vin».

M. Corriveau avait soutenu n'avoir jamais demandé aux dirigeants des agences et compagnies reliées aux commandites de faire des contributions au PLC. Il se décrivait «comme un simple vendeur de billets» pour des activités partisanes libérales.

La preuve déposée devant le juge Gomery montrait pourtant que M. Corriveau aurait fait des paiements secrets de plusieurs dizaines de milliers de dollars à des dirigeants du Parti libéral avant les élections de 1997.

Les réactions à ce dépôt d'accusations n'ont pas tardé à venir.

Dans un communiqué, le ministre fédéral de l'Infrastructure, Denis Lebel, n'a pas raté l'occasion de s'en prendre au PLC et de chercher à y associer, ne serait-ce qu'indirectement, son chef actuel Justin Trudeau.

«Cela sert de rappel aux Québécois du rôle joué par le Parti libéral actuellement dirigé par Justin Trudeau dans le scandale des commandites», écrit le ministre Lebel.

«D'ailleurs, les libéraux doivent toujours 40 millions de dollars aux contribuables canadiens. Quand est-ce qu'ils vont les rembourser?» s'interroge le ministre.

Du côté de l'opposition néo-démocrate, le député Alexandre Boulerice n'a pas non plus hésité à profiter de cette chance de faire de la politique partisane, sauf qu'il a cherché à faire d'une pierre deux coups.

«C'est aussi un petit rappel aux gens qu'avant les scandales conservateurs, il y avait les scandales libéraux, a déclaré le député de Rosemont-La Petite Patrie. Peut-être que c'est le temps à Ottawa de faire le ménage et d'amener d'autres partis que les vieux partis embourbés depuis 10 ans dans leurs scandales. On ne peut pas remplacer les scandales bleus par des scandales rouges éternellement.»

Et, pour s'assurer d'être bien compris, il en a rajouté en faisant référence aux nombreuses années qui se sont écoulées entre le scandale des commandites, la commission Gomery et le dépôt des accusations contre Jacques Corriveau.

«On espère que ça ne prendra pas autant de temps pour faire la lumière sur le scandale du Sénat et l'implication du bureau du premier ministre Harper dans la tentative de camouflage du paiement du sénateur Mike Duffy. Du côté libéral, on se demande si la culture politique du parti a changé quand on voit cette semaine Justin Trudeau qui demandait conseil à Jean Chrétien», a-t-il laissé tomber.