Garagiste sans histoire, André Chouinard raconte son plongeon dans le trafic de stupéfiants.

Pour la première fois depuis sa condamnation à 20 ans de prison, cet ancien membre du groupe d'élite des Hells Angels s'est présenté hier devant les commissaires aux libérations conditionnelles. Il a livré un témoignage comme on en a rarement entendu dans les annales criminelles. Il s'agit d'une véritable incursion dans le mode de fonctionnement fermé des motards.

«Le meurtre du petit Desrochers, les assassinats des gardiens de prison, la tentative de meurtre sur Michel Auger... Un jour, ma femme m'a demandé: «Tu n'es pas tanné? Ça va s'arrêter où?» C'est à partir de ce moment que j'ai commencé à réfléchir», a raconté hier, devant les commissaires aux libérations conditionnelles, André Chouinard, ancien financier des Nomads, groupe d'élite des Hells Angels.

Pour sa première audience depuis sa condamnation à 20 ans de prison en 2004 dans la foulée de l'opération Printemps 2001, l'ancien motard de 53 ans a livré un témoignage étonnant, qui s'est transformé en véritable incursion dans le mode de fonctionnement du célèbre groupe criminel.

Le doigt dans l'engrenage

Issu d'une famille pauvre, mais sans histoire du quartier Hochelaga-Maisonneuve, Chouinard a commencé à travailler à l'âge de 14 ans, pour aider les siens.

Après avoir été successivement agent d'assurances, vendeur de voitures et gérant d'une caisse populaire, il ouvre un garage avec un associé.

Ce dernier, trafiquant de drogue à ses heures, lui demande de lui trouver un client. Chouinard le met en contact avec un ami, mais la transaction tourne mal et l'associé se retrouve avec une dette de 120 000$. Ce dernier travaillait pour les Hells Angels et ceux-ci tiennent Chouinard responsable de l'échec. Ils lui réclament sa part dans le commerce et ses REER.

«J'ai perdu le garage et je ne savais pas comment me refaire. On m'a proposé de m'impliquer dans la drogue. La fusée a décollé. Ça a déraillé très rapidement, mon affaire.»

Choisir son camp

En six mois à peine, Chouinard accumule une somme de 120 000$, qu'il remet aux Hells Angels. Ses ventes augmentent sans cesse et il devient un trafiquant indépendant. Il a un bon contact, un Italien, dont une cargaison avait été endommagée sur un bateau. Chouinard lui offre d'acheter cette marchandise au rabais. Il la fait sécher, refait les emballages et la revend avec importants profits. L'Italien est impressionné et n'a plus fait affaire qu'avec lui.

«En 94-95 commence la guerre, et les belligérants nous obligent à choisir notre camp. J'ai choisi celui des Hells Angels.»

Chouinard devient membre des Rockers, le club-école et bras armé des Nomads, mais devient rapidement «prospect» Nomads en raison de ses ventes prolifiques. Il fournit en stupéfiants les membres des Hells Angels de tout le Québec.

Financier de la guerre

«Oui, il y avait des meurtres, mais on n'en parlait pas lors des réunions. Moi, ma fonction était de trouver de la drogue et de financer la guerre. Les armes étaient achetées avec l'argent que j'apportais. J'étais la branche monétaire du chapitre. Je contrôlais la caisse. Je versais une paye de 5000$ par semaine aux six membres.»

«Tu te retrouves sur une galaxie et tu n'as pas le choix. Tu veux toujours aller vers le haut. Tu ne veux pas frotter, tu veux aller avec le grand club», a-t-il répondu aux commissaires qui lui ont demandé pourquoi il ne s'était pas retiré.