Grâce à la collaboration de personnes directement impliquées dans le système de corruption lavallois, les enquêteurs soupçonnent que Gilles Vaillancourt aurait empoché 2 % de la valeur des contrats attribués par la Ville de Laval.

«Une commission de 2 %, c'était la norme», a indiqué à La Presse une personne au fait de l'enquête. Un des objectifs de l'enquête était de retrouver la route des millions de dollars potentiellement détournés.

Le système peaufiné au fil des 23 ans de l'ère Vaillancourt ne se limitait pas aux contrats d'égouts, d'aqueduc, de trottoirs ou d'asphalte, selon les informations recueilles par La Presse. Les changements de zonage, les transactions immobilières et les services informatiques auraient également été assujettis à l'organisation criminelle en place.

Contrairement aux pratiques qui existaient à Montréal et qui ont été mises en lumière à la commission Charbonneau, le système lavallois n'aurait relevé que d'un seul chef, l'ex-maire Gilles Vaillancourt. «Pas besoin de collusion entre les concurrents, Vaillancourt décidait tout», raconte une autre source proche des événements des dernières heures.

Pour s'assurer d'avoir la mainmise sur la municipalité, Gilles Vaillancourt se serait entouré, tant à l'intérieur des murs de la ville qu'en périphérie, de personnes accommodantes. Ainsi, l'ex-directeur général Claude Asselin, jusqu'en 2012 dirigeant chez Plania, la filiale spécialisée en urbanisme de la firme de génie Dessau, se serait substitué avec son collègue du Service d'ingénierie, Claude Deguise, aux comités de sélection pour truquer l'attribution des contrats.

MM. Asselin et Deguise auraient ainsi fait grand usage de post-it. En fait, lors des appels d'offres, ils auraient présélectionné des entreprises soumissionnaires devant remporter les contrats en marquant la liste par des post-it. Cette liste aurait ensuite été soumise à l'approbation du maire Vaillancourt.

De façon régulière, ce dernier aurait réclamé de voir sur papier la répartition des honoraires professionnels (avocats, ingénieurs, par exemple) ainsi que le pourcentage des contrats obtenus par telle ou telle entreprise et apporté des corrections, le cas échéant, explique une source ayant requis l'anonymat.

Une fois un chantier enclenché, un «collecteur» faisait la tournée pour amasser la commission de 2 %. L'argent aurait été recueilli en fonction de l'avancement des travaux. Ce «collecteur», issu d'une firme de génie, ne fait pas partie des personnes arrêtées hier. Il serait l'une des personnes pouvant avoir décidé d'aider la police dans son enquête.

Lors des audiences de la commission Charbonneau de l'automne dernier, l'ex-entrepreneur Lino Zambito avait décrit le système de collusion à Laval, où neuf entrepreneurs se seraient réparti les contrats à tour de rôle. Selon M. Zambito, l'ex-maire Vaillancourt aurait été l'un des grands bénéficiaires du stratagème. Il a dit que les entrepreneurs savaient que Gilles Vaillancourt empochait une commission de 2,5 % de la valeur des contrats d'infrastructures.

Lino Zambito a raconté avoir versé lui-même une somme forfaitaire de 25 000 $ à M. Vaillancourt par l'intermédiaire de Marc Gendron, de la firme Tecsult, pour un contrat remontant à 2002-2003. Il avait souligné qu'il s'agissait d'une contribution incontournable afin d'obtenir le paiement d'extras jugés nécessaires. «Vos extras sont possiblement recevables, mais je pense que t'es au courant de la façon que ça fonctionne à Laval», avait dit M. Zambito en se remémorant les paroles de Marc Gendron.

Lino Zambito avait également indiqué qu'après la création de l'escouade Marteau, à l'automne 2009, Gilles Vaillancourt avait demandé aux joueurs du système de ralentir leurs ardeurs.