Le Québécois Jimmy Cournoyer, surnommé le «roi du pot à New York» et soupçonné par la justice américaine d'avoir été à la tête d'un «empire» qui a exporté et écoulé des dizaines de milliers de kilos de marijuana aux États-Unis, était étroitement associé à un cartel mexicain, aux Hells Angels et à la mafia italienne - en particulier au clan Rizzuto, qui lui fournissait même des chauffeurs et des gardes du corps, révèlent des documents déposés hier devant un tribunal de la métropole américaine.

Dans ces documents, la poursuite annonce qu'elle fera témoigner au procès des individus à qui Cournoyer a confié à maintes reprises «qu'il était supporté par les Italiens», en parlant du clan Rizzuto de Montréal.

Des témoins viendront dire que des soldats du clan Rizzuto, notamment Giuseppe Fetta, ont agi en tant que chauffeurs, gardes du corps ou hommes de main du Québécois de 33 ans.

Fetta, un colosse, a été victime d'une tentative de meurtre qui lui aurait laissé de graves séquelles en décembre dernier, sur le boulevard Saint-Laurent. Ancien chauffeur et garde du corps du lieutenant de la mafia Lorenzo Giordano, condamné après l'opération Colisée, Fetta se serait rallié au chef de clan Giuseppe De Vito, alias Ponytail, actuellement dans les mauvaises grâces de Vito Rizzuto.

Conversations compromettantes

Lors du procès de Cournoyer, la poursuite fera également entendre des conversations de Cournoyer et de ses coaccusés interceptées en prison. Dans celles-ci, les accusés discutent notamment de leur association avec des membres du clan Rizzuto, de la tentative de meurtre de Fetta et du meurtre de l'influent mafioso Joe Di Maulo, assassiné devant sa maison de Blainville en novembre dernier.

La preuve allègue également que la personne responsable des opérations de trafic de cocaïne et de blanchiment d'argent de l'organisation de Cournoyer en Californie était Alessandro Taloni, dépeint comme ayant des liens étroits avec les Rizzuto. En 1999, Taloni a été arrêté à Montréal pour une affaire d'extorsion. Dans son téléphone, les policiers ont découvert un numéro associé à «Vito Rizz» et correspondant à celui du défunt Club social Consenza, ancien quartier général des Siciliens, rue Jarry, ainsi que le numéro de Pat Ragusa, beau-frère de Nick Rizzuto fils, tué en décembre 2009.

Jurés sous haute surveillance

Ces nouvelles révélations sont jointes à une requête de la poursuite qui vise à protéger, même pour les avocats des deux parties, l'identité des 12 jurés du procès de Cournoyer et à demander à ce qu'ils soient même escortés par des policiers tout au long des procédures.

La poursuite fait valoir que les organisations criminelles associées à Cournoyer, notamment le clan Bonanno, ont déjà usé d'intimidation et de menaces envers des représentants de la justice dans le passé. Elle cite également en exemple un témoin qui aurait volé l'organisation de Cournoyer et dont la conjointe aurait été battue, torturée et menacée de mort - elle et son enfant - à Montréal.

«Cournoyer a démontré sa volonté à utiliser la violence pour fuir la justice et protéger son entreprise», un «empire», écrit la poursuite, qui rappelle dans les documents que tout a commencé, pour l'homme de 33 ans, par la saisie de 11 plants de marijuana dans un logement de Laval, il y a 15 ans.

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Le rôle de chacun des clans

Les Hells Angels

Selon la poursuite, Jimmy Cournoyer  aurait eu recours aux services des Hells Angels canadiens et américains pour transporter de la marijuana et des millions de dollars provenant de la vente de celle-ci entre Montréal et la Colombie-Britannique ainsi que vers les États-Unis. La marijuana et l'argent auraient surtout été cachés dans des produits d'entreprises légitimes déposés dans des camions qui franchissaient la frontière par la réserve d'Akwesasne. Cournoyer aurait également eu recours aux Hells Angels pour intimider ou menacer des individus qui avaient contracté des dettes envers l'organisation, ou encore pour récupérer l'argent dû. En contrepartie, il aurait fourni des armes à feu aux motards.

Le clan Rizzuto

Selon la poursuite, le clan Rizzuto aurait financé les opérations d'exportation de marijuana vers les États-Unis de l'organisation de Jimmy Cournoyer. Les revenus auraient ensuite servi à acheter, par l'entremise d'un associé du clan Rizzuto établi en Californie, de la cocaïne auprès d'un cartel mexicain. Par la suite, la cocaïne aurait été importée au Canada et transportée dans la région de Montréal, où elle aurait été écoulée par des membres du clan Rizzuto. Ce dernier aurait également fourni à Cournoyer des hommes qui lui auraient servi de chauffeurs, de gardes du corps et d'hommes de main. L'organisation de Cournoyer aurait aussi fourni des armes au clan mafieux.

Le clan Bonanno

Le plus important clan mafieux de New York aurait été le principal client de Cournoyer et lui aurait acheté des milliers de livres de marijuana, de 2007 à 2012. L'un des principaux acheteurs était John Venizelos, alias «John V» ou «Big Man», un important distributeur de marijuana de Staten Island. Venizelos, 33 ans, était également accusé avec Cournoyer et a plaidé coupable lundi à des chefs de trafic de drogue et de possession d'armes. Il est passible de la prison à vie et d'une amende de 10 millions. Selon la preuve, Venizelos aurait écrit à un individu contacté par la police que Cournoyer disposait d'un fonds de 2 millions pour éliminer les délateurs au sein de l'organisation. Le clan Bonanno aurait également offert de la protection à Cournoyer.

Le cartel de Sinaloa

Selon la poursuite, l'organisation de Cournoyer lavait ses profits de la vente de marijuana écoulée à New York en achetant de la cocaïne auprès de ce cartel, l'un des plus puissants et des plus violents du Mexique. La cocaïne était ensuite importée au Canada et vendue dans la région de Montréal et ailleurs, notamment par le clan Rizzuto. Un agent double de la DEA s'est fait passer pour un blanchisseur d'argent et un négociateur de transferts d'argent auprès du cartel, en 2009 et en 2010. La poursuite entend démontrer que Cournoyer a dirigé le transport d'argent entre New York et la Californie pour acheter de la cocaïne qui avait déjà franchi la frontière américaine.