Après l'autorisation d'une action collective contre les Frères du Sacré-Coeur pour des agressions qui auraient eu lieu dans leur collège de Granby, une deuxième demande vient d'être déposée contre la congrégation pour des agressions sexuelles qui auraient été commises par des religieux dans de nombreux établissements partout au Québec.

Cette action pourrait concerner plusieurs centaines de victimes, selon l'avocat Robert Kugler, qui pilote le dossier.

« On parle ici d'agressions commises par un ordre religieux à la grandeur du Québec, souligne Me Kugler. Les Frères du Sacré-Coeur ont beaucoup oeuvré dans l'éducation, dans des centaines d'établissements, même s'ils ne les contrôlaient pas toujours. »

« Frère Fesses »

La demande d'action collective nomme 26 écoles et camps de vacances où des jeunes auraient été agressés entre les années 40 et 80, et donne l'identité de 25 « frères agresseurs ».

Il est même mentionné que l'un des religieux, qui dirigeait une école à Victoriaville, était surnommé « Frère Fesses ».

Les écoles mentionnées se trouvent dans plusieurs localités : Montmagny, Drummondville, Vaudreuil, Rosemère, Chertsey, Causapscal, L'Ancienne-Lorette, Sherbrooke, etc. Mais des agressions ont sûrement été commises ailleurs, selon l'avocat.

Cette liste a été constituée à partir des témoignages reçus au bureau d'avocats Kugler Kandestin, à la suite de l'action collective contre la congrégation pour des agressions sexuelles qui auraient été commises au collège Mont-Sacré-Coeur, à Granby. Un juge a autorisé cette première action en octobre 2017 et le procès est attendu au cours des prochains mois.

« On a reçu tellement d'appels de victimes pour des événements qui se seraient produits ailleurs au Québec, il fallait qu'on fasse quelque chose pour eux aussi. » - Me Robert Kugler

L'avocat s'attend à ce que plusieurs centaines de personnes se manifestent encore au cours des prochaines années.

Agressé au camp de vacances

Des jeunes membres des Petits Chanteurs de Granby et qui ont fréquenté deux camps de vacances gérés par les Frères du Sacré-Coeur auraient notamment été agressés.

L'homme de 55 ans qui intente l'action collective au nom de toutes les autres victimes, nommé « F. » pour préserver son identité, aurait été agressé lorsqu'il fréquentait le camp Le Manoir, aux Éboulements, au cours de l'été 1978, alors qu'il avait 15 ans.

Le frère qui s'occupait de l'infirmerie aurait demandé à F. de le masturber à plusieurs reprises, et lui aurait rendu la pareille. Selon les souvenirs qui sont revenus à la mémoire de F., d'autres adolescents auraient aussi été agressés par le religieux.

L'ancien campeur a mis plusieurs années à faire le lien entre ses tendances suicidaires, ses problèmes de consommation de drogue et d'alcool, ses difficultés à faire confiance aux gens et les agressions subies dans sa jeunesse.

F. a porté plainte à la police en 2014 contre le frère, qui a été arrêté deux ans plus tard et est mort en 2017.

« Rien pour protéger les enfants »

La demande vise la congrégation religieuse parce que « considérant le nombre de religieux ayant commis des agressions sexuelles et les importantes fonctions d'autorité qui leur étaient dévolues, il est impossible que les dirigeants n'aient pas été au courant des agressions sexuelles perpétrées par leurs religieux ».

Les dirigeants de l'ordre, perpétuant une culture du secret, « n'ont rien fait pour protéger les enfants sous leur garde et ont omis d'instaurer des politiques et des mesures de sécurité ou de surveillance permettant de prévenir ou de mettre fin aux agressions sexuelles », allègue la poursuite.

On demande 15 millions en dommages punitifs pour les victimes.

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D'autres actions contre des ordres religieux entreprises ou réglées ces dernières années

En 2011, la Congrégation de Sainte-Croix a versé jusqu'à 18 millions, dans un règlement à l'amiable, aux 206 victimes de sévices sexuels au collège Notre-Dame, à Montréal, au collège Saint-Césaire, en Montérégie, et à l'école Notre-Dame, à Pohénégamook, dans le Bas-Saint-Laurent.

En 2014, les Rédemptoristes ont versé 20 millions au terme d'une action collective intentée par 111 élèves agressés sexuellement au séminaire Saint-Alphonse, à Sainte-Anne-de-Beaupré.

En 2015, les Clercs de Saint-Viateur du Canada ont versé 20 millions à plus de 150 enfants sourds et muets agressés sexuellement à l'Institut Raymond-Dewar.

En septembre 2017, la Cour d'appel du Québec a donné le feu vert à une deuxième action collective contre la Congrégation de Sainte-Croix, cette fois incluant l'oratoire Saint-Joseph. La congrégation s'est adressée à la Cour suprême pour tenter d'infirmer cette décision.