Les tribunaux canadiens enregistraient une soudaine hausse de leurs délais pour traiter les causes criminelles au moment où est intervenu l'arrêt Jordan, tout particulièrement au Québec.

Une récente analyse de Statistique Canada permet par ailleurs de constater que les causes entendues sont de plus en plus complexes.

Allongement des délais

Statistique Canada a dévoilé hier sa plus récente étude sur les délais devant les tribunaux criminels canadiens. Il en ressort que le temps médian pour régler des accusations pour adultes avait soudainement augmenté de 10% en 2016-2017. Il avait alors atteint 124 jours, soit 11 de plus que l'année précédente.

Cette hausse coïncide avec l'arrêt Jordan, intervenu à l'été 2016, dans lequel la Cour suprême déplorait les délais. Le plus haut tribunal au pays est venu fixer un plafond de 18 mois pour les causes entendues par les cours provinciales et 30 mois pour les instances supérieures.

Québec, bon dernier

L'allongement des causes se faisait particulièrement sentir au Québec, qui affichait d'ailleurs les plus longs délais de tout le pays. Il se déroulait en moyenne 167 jours entre le dépôt d'accusations et le règlement d'un dossier. Les délais ont ainsi bondi de près d'un mois (26 jours) en un an à peine.

Et encore, ces données pour le Québec ont été ajustées pour tenir compte des causes entendues par les cours municipales de la province, qui traitent les accusations criminelles les plus simples - et ainsi plus rapides à gérer. En les excluant, le temps médian pour les causes entendues passait à 227 jours.

Dossiers complexifiés

Les données de Statistique Canada permettent de constater que les causes se retrouvant devant les tribunaux sont de plus en plus complexes. Il y a 10 ans, on dénombrait en moyenne 2,9 accusations par cause entendue. En 2016-2017, on recensait désormais 3,4 accusations par dossier. Cela représente ainsi une hausse de 17%.

Autre facteur pouvant entrer en ligne de compte, les accusés sont aussi appelés à défiler plus souvent devant les juges. Le nombre de comparutions par cause est passé de 6,7 en moyenne il y a 10 ans à 7,7, soit une augmentation de 15%.

Plus long pour obtenir un acquittement

Les données de Statistique Canada permettent également de constater qu'obtenir un acquittement est plus long. Les causes s'étant soldées par un tel verdict ont en effet pris en moyenne 312 jours. C'est près de trois fois plus que les causes qui se sont soldées par un verdict de culpabilité. Ces dernières prennent plutôt 106 jours.

Il reste que les acquittements sont peu nombreux (4%), et près des deux tiers des dossiers entendus par les tribunaux se terminent par un verdict de culpabilité.

Mesures correctives apportées

Il faudra attendre encore au moins un an avant de voir si les mesures apportées dans la foulée de l'arrêt Jordan ont porté leurs fruits et permis de réduire les délais devant les tribunaux. Rappelons que la décision de la Cour suprême avait ébranlé le milieu de la justice en fixant des délais maximums.

Le Québec a notamment nommé plus de juges pour entendre les causes et augmenté le nombre de salles d'audience. Des ressources supplémentaires ont aussi été embauchées, dont plusieurs procureurs, employés de soutien et agents de services correctionnels.