Déplorant être victime de discrimination en raison de son prénom à consonance musulmane, un homme appelé Mostafa veut dorénavant se prénommer Stofa.

Le Directeur de l'état civil du Québec a cependant refusé sa demande de changement de nom, déposée le 10 septembre dernier.

Mostafa vient donc d'intenter une poursuite contre l'organisme gouvernemental responsable de l'émission des certificats légaux, pour contester ce refus.

Le Montréalais de 48 ans invoque le fait que «son prénom d'origine étrangère serait lié à la religion musulmane, à laquelle il n'adhère pas puisqu'il est athée».

«Son prénom crée une barrière culturelle et le prénom demandé faciliterait sa recherche d'emploi dans la société québécoise», peut-on lire dans sa requête, déposée en Cour supérieure.

Il allègue «être victime de discrimination et avoir perdu des opportunités d'emploi en raison de la consonance d'origine étrangère de son prénom».

La poursuite indique qu'il a présenté des documents pour soutenir ses allégations, à la demande du Directeur de l'état civil.

Mostafa déplore que l'organisme gouvernemental n'ait pas considéré comme «sérieux» les motifs qu'il a invoqués pour demander de changer son prénom.

Sur son site web, le Directeur de l'état civil indique que «la loi permet à une personne de demander le changement de son prénom ou de son nom de famille à certaines conditions. Un tel changement n'est accordé que si un motif sérieux au sens du Code civil du Québec est démontré».

«Tout le monde le croit musulman»

Or, Mostafa affirme que son nom «lui cause préjudice tant dans sa vie professionnelle et sociale que familiale».

«Un inconvénient grave d'avoir ce nom de Mostafa, c'est que tout le monde le croit musulman. Or, ses parents vivaient au Maroc et ils étaient forcés de choisir un nom imposé sur la liste à cette époque», explique la poursuite.

«Le demandeur se sent mal à l'aise chaque fois qu'il prononce son nom de Mostafa, car il porte une étiquette religieuse qui ne le caractérise pas du tout. Il se sent discriminé, il se sent porter un fardeau lourd sur ses épaules sans pouvoir s'en sortir seul sans la modification de ce nom de Mostafa.»

Il utilise le prénom de Stofa depuis plus de 20 ans, et c'est ainsi que ses amis et partenaires d'affaires le connaissent, ajoute-t-il.

Il aurait cependant omis de préciser ce détail dans sa demande initiale au Directeur de l'état civil.

«Le fait de porter le nom de Stofa dans l'avenir lui donnera une nouvelle image. Il se sentira soulagé, guéri d'une infirmité de son image par rapport à ce qu'il sent et veut paraître dans la société québécoise», souligne la poursuite déposée.

Il a été impossible de parler à Mostafa ou à son avocate.

Il n'a pas non plus été possible de savoir si la discrimination liée à un nom d'origine étrangère est un motif fréquent pour demander un changement de nom, ni si c'est un motif pouvant être considéré comme «sérieux» par le Directeur de l'état civil.

«Chaque dossier est analysé à la lumière des faits qui sont présentés», a simplement expliqué le porte-parole de l'organisme, Vincent Breton.

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Voici quelques exemples de motifs donnés par le Directeur de l'état civil pour demander un changement de nom

L'usage, depuis au moins cinq ans, d'un nom ou d'un prénom non inscrit à l'acte de naissance 

Un nom d'origine étrangère, trop difficile à prononcer ou à écrire dans sa forme originale 

Un préjudice sérieux ou des souffrances psychologiques occasionnés par l'utilisation du nom 

Un nom prêtant au ridicule ou frappé d'infamie (marqué par le déshonneur, la honte, l'indignité) 

L'intention d'ajouter au nom de famille d'un enfant de moins de 18 ans le nom de famille de son père ou de sa mère ou une partie de celui-ci s'il s'agit d'un nom de famille composé.