Dix ans après le meurtre de Catherine Daviau, une femme de 27 ans agressée sexuellement, tuée et abandonnée dans son lit incendié dans son logement du quartier Rosemont le 11 décembre 2008, une nouvelle technologie d'analyse d'ADN a permis récemment aux policiers d'obtenir des résultats qui pourraient grandement faire avancer leur enquête.

Pour la première fois de son histoire, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a eu recours à la technique du phénotypage ; il a envoyé des échantillons d'ADN du suspect prélevés sur la scène de crime dans un laboratoire aux États-Unis, où les employés sont parvenus à déterminer certaines caractéristiques physiques probables de l'individu.

« À partir de l'échantillon d'ADN, on est capable de déterminer la couleur de la peau, des yeux et des cheveux de l'individu, et son ascendance biogéographique, c'est-à-dire de quelle région du globe lui et sa famille seraient originaires. »

« Si on a 200 suspects dans un dossier, par exemple, l'utilisation de cette technique, combinée à d'autres techniques d'enquête, avec des éléments de corroboration, peut nous permettre de réduire une liste de 200 suspects à peut-être une dizaine », explique le commandant Pascal Côté, de la Division des crimes majeurs du SPVM.

LA PISTE D'UNE CONNAISSANCE

Tous les jours de la semaine, Catherine Daviau avait la même routine. Elle quittait son logement de la 5e Avenue - près de la rue Masson - le matin et revenait en fin d'après-midi. Le crime aurait été commis entre 18h et 19h. Au moment où le corps a été découvert, sa porte d'entrée était verrouillée, et les enquêteurs croient qu'elle connaissait son agresseur. Ils ne pensent pas avoir affaire à un prédateur, car ils n'ont pas retrouvé le même mode opératoire sur d'autres scènes de meurtre.

Le commandant Côté affirme que tous les hommes qui ont côtoyé la victime dans les mois, semaines, jours et même heures qui ont précédé le drame ont été retracés « de façon exhaustive ».

« Si on prend la liste de toutes les personnes qui ont eu affaire avec Catherine Daviau avant sa mort, par exemple, et qu'on enlève toutes celles qui ne correspondent pas aux caractéristiques physiques probables déterminées par l'analyse de l'ADN, ça réduit considérablement la liste. » - Le commandant Pascal Côté, de la Division des crimes majeurs du SPVM

Le SPVM a encore des personnes à rencontrer et attendra au début de la nouvelle année avant de dévoiler les informations physiques obtenues grâce à la technique du phénotypage.

L'enquêteur principal au dossier a prévenu la soeur de la victime, Geneviève Daviau, il y a un mois de cette importante avancée.

« J'étais contente de voir que les enquêteurs continuent de travailler fort et qu'ils sont à l'affût des technologies. Cela va enlever un paquet de monde. J'ai espoir. Inévitablement, il y a quelqu'un qui va le connaître », dit-elle.

« Mais d'un autre côté, je suis ébranlée. Ce sont des caractéristiques physiques concrètes qui pourraient permettre de mettre un visage sur la personne qui a fait ça », ajoute Mme Daviau.

D'AUTRES PROGRÈS À VENIR

« Ce n'est pas dans tous les dossiers de meurtres non résolus que l'on peut utiliser cette technique. Et celle-ci, utilisée seule, ne donne pas de résultats. Il faut qu'elle soit combinée à d'autres techniques d'enquête. Les techniques d'analyse d'ADN évoluent constamment. Peut-être que dans 10 ans, on sera rendu complètement ailleurs et qu'on pourra tirer beaucoup plus d'informations d'un échantillon d'ADN », dit Pascal Côté.

Malgré cette avancée importante, il invite toujours toute personne qui pourrait avoir des informations sur le meurtre de Catherine Daviau à communiquer avec Info-Crime Montréal au 514 393-1133.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.

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UN PORTRAIT-ROBOT À PARTIR D'ADN



Le phénotypage (DNA phenotyping, en anglais) permet de déduire l'apparence physique à partir d'ADN. L'ADN de tout individu est le support où est inscrite l'information génétique. Les gènes, eux, déterminent notamment les caractéristiques physiques. Le logiciel utilisé au laboratoire américain Parabon NanoLabs, par exemple, permet de lire les parties du génome humain qui définissent les traits de chaque individu, telles la couleur de la peau, des yeux ou des cheveux et la présence de taches de rousseur. La morphologie faciale peut même être déterminée. Chaque « lecture » permet une prédiction plus ou moins précise, selon toutes sortes de facteurs. Tout cela est possible grâce à une base de données qui contient les informations génétiques de milliers de personnes combinées à leurs caractéristiques physiques. Ainsi, des corrélations sont établies entre des gènes et des traits particuliers. La technologie utilisée pour analyser le matériel génétique offre ainsi la possibilité de tracer des portraits-robots. Lors d'enquêtes où aucune correspondance n'est trouvée à partir d'un échantillon d'ADN croisé avec une base de données, ce procédé peut permettre des avancées considérables. Aux États-Unis, plusieurs cas ont été résolus grâce à cette méthode ces dernières années, dont l'identification de meurtriers, d'agresseurs, ou d'un corps retrouvé en 2017. - Par Marissa Groguhé, La Presse