Un film sur la disparition de Julie Surprenant, survenue en 1999, est en préparation et sera lancé dans un an pour marquer le 20e anniversaire de cet événement. Cette annonce a été dimanche l'occasion pour Michel Surprenant, le père de la victime, et l'avocat Marc Bellemare de réclamer des changements au registre des agresseurs sexuels.

Me Bellemare demande que tous les corps policiers aient accès au registre fédéral des délinquants sexuels. À l'heure actuelle, seulement deux policiers de la Sûreté du Québec (SQ) peuvent le consulter.

Aux États-Unis, ce registre est public et est accessible à tous sur l'internet. Au Québec, pour consulter une condamnation au criminel sur le plumitif, il faut non seulement le nom de l'accusé, mais aussi sa date de naissance, déplore Me Bellemare.

Ce n'est pas la première fois que Me Bellemare monte au créneau dans ce dossier. En 2016, aux côtés des députés de la Coalition avenir Québec (CAQ) André Spénard et Nathalie Roy, il avait réclamé un registre public.

« On va voir si les promesses de la CAQ sont juste des promesses ou si c'est concret », a dit dimanche Michel Surprenant. Le père de Julie Surprenant estime qu'un tel registre l'aurait incité à déménager pour ne pas soumettre ses filles au danger que pouvait présenter le suspect Richard Bouillon, un voisin qui avait déjà été condamné pour agressions contre une mineure en 1990.

« DANS UN PREMIER MANDAT »

La sortie de Me Bellemare et de M. Surprenant pourrait avoir fait bouger les choses. Le bureau de la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a indiqué dimanche à La Presse canadienne que la CAQ voulait rendre le registre public « dans un premier mandat ». « Nous sommes déjà au travail en ce sens », a dit Mme Guilbault.

Cette déclaration de la ministre Guilbeault tranche avec une entrevue donnée en septembre au Soleil par le porte-parole de la CAQ, Ewan Sauves. « On va continuer à défendre la création du registre, mais on a d'autres priorités avant, comme la réforme en éducation et l'entente pour la rémunération des médecins spécialistes, qui vont prendre beaucoup de temps, avait dit M. Sauves. On veut le réaliser dans les meilleurs délais, mais on ne peut pas promettre que ça sera possible dans un premier mandat. »

Julie Surprenant est disparue à Terrebonne à la mi-novembre 1999 alors qu'elle avait 16 ans. Son corps n'a jamais été retrouvé. En 2012, un rapport du coroner avait conclu que Richard Bouillon, qui habitait l'appartement voisin des Surprenant, était probablement lié à l'événement. L'enquête du coroner avait été suscitée par les confidences de Richard Bouillon, condamné pour des crimes sexuels, à une infirmière auxiliaire et une préposée aux bénéficiaires de la Cité de la Santé peu avant sa mort en 2006. Des plongeurs de la SQ avaient fouillé sans succès la rivière des Mille Îles en 2011 à la suite de ces confidences.

Les deux témoins n'avaient pas parlé de ces confidences avant 2011 en raison du secret professionnel. Me Bellemare a noté que deux gardiens de prison étaient présents quand les confidences ont été faites, mais qu'ils n'en ont pas parlé à leurs supérieurs, ce qu'il déplore.

NOUVELLES FOUILLES RÉCLAMÉES

Le réalisateur du film à paraître Trouver Julie, Stephan Parent, a pour sa part réclamé de nouvelles fouilles. « Notre enquête a permis d'identifier un nouveau site où pourrait avoir été enterrée Julie Surprenant », a-t-il affirmé en conférence de presse hier. « Nous demandons aussi une nouvelle expertise de sang retrouvé dans l'appartement où vivait alors Richard Bouillon, sur le plancher et sur des objets lui appartenant. Les dossiers de la SQ que j'ai pu consulter concluent qu'il s'agit de sang contaminé d'origine humaine qui n'appartient pas à Richard Bouillon. Je crois qu'avec les technologies d'aujourd'hui, on pourrait avoir d'autres informations sur ce sang. »

Stephan Parent, qui a déjà collaboré avec Me Bellemare pour des films sur des enquêtes policières n'ayant pas abouti, estime que Julie Surprenant a été enlevée par Richard Bouillon et un complice, puis séquestrée et soumise à des sévices sexuels pendant quelques jours, avant d'être étranglée et enterrée. M. Parent croit que le présumé complice de Richard Bouillon est « possiblement en vie » et serait un « complice de longue date ». Me Bellemare et Michel Surprenant s'estiment « à 95 % » certains que Richard Bouillon est celui qui a enlevé Julie Surprenant.

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LE FIL DES ÉVÉNEMENTS

NOVEMBRE 1999 : Julie Surprenant disparaît après être descendue d'un autobus, un mardi soir.

MARS 2000 : Son père, Michel Surprenant, embauche un détective privé pour la retrouver.

FÉVRIER 2001 : La SQ annonce qu'elle a un suspect et fait des tests d'ADN. Des médias l'identifient comme un voisin de Michel Surprenant.

MARS 2001 : Richard Bouillon est accusé de crimes sexuels, notamment sur une mineure, mais pas dans le dossier Julie Surprenant.

NOVEMBRE 2001 : Durant le procès de Richard Bouillon, on apprend qu'il a été condamné en 1990 pour des crimes sexuels sur une mineure.

MAI 2003 : Richard Bouillon est déclaré délinquant dangereux et condamné à six ans de prison.

JUILLET 2006 : Mort de Richard Bouillon, du cancer.

JANVIER 2011 : Une infirmière à qui Richard Bouillon aurait affirmé être le meurtrier de Julie Surprenant s'en ouvre à l'émission de Claude Poirier.

JUILLET 2011 : Enquête du coroner annoncée sur la disparition de Julie Surprenant.

SEPTEMBRE 2011 : Fouilles infructueuses dans la rivière des Mille Îles.

OCTOBRE 2012 : Rapport du coroner qui recommande que les règles du secret professionnel dans des circonstances comme les confidences de Richard Bouillon à des infirmières soient clarifiées.

NOVEMBRE 2014 : Inauguration d'un monument en l'honneur de Julie Surprenant à Terrebonne.

Photo La Presse canadienne

Julie Surprenant, dans une photo fournie en 2003 par la SQ