Dûment autorisé par Santé Canada à faire pousser plus de 1000 plants de marijuana à son domicile de Vaudreuil-Dorion, un homme tombé sous la loupe des policiers en 2014 risque une peine obligatoire de prison, provoquée selon lui par un cafouillage administratif dont il ne pourra jamais faire la preuve devant la justice.

Vygantas Kuncas, 32 ans, consomme jusqu'à 50 grammes de cannabis par jour pour combattre d'intenses douleurs gastriques. «J'en mange sous forme d'huile, je me fais des crèmes pour la peau, j'ai des dizaines de façons différentes d'apprêter le cannabis», dit le jeune homme, qui affirme avoir été sauvé par les vertus médicinales du pot.

Comme environ 2000 autres Québécois, M. Kuncas détient une autorisation de Santé Canada lui permettant de faire pousser en toute légalité des dizaines de plants de cannabis à la maison. Ce programme, aboli par le gouvernement fédéral mais réactivé par une décision de la Cour suprême du Canada (Allard c. la Reine), l'autorisait aussi à faire pousser du cannabis pour trois autres personnes, dont un homme souffrant du cancer.

Au total, les quatre bénéficiaires pouvaient faire pousser jusqu'à 1150 plants en toute légalité dans le domicile, pourvu que la production se déroule à l'intérieur.

La serre de la discorde

Mais en 2014, après avoir été aux prises avec d'importants problèmes de moisissures qui «infectaient les plants et faisaient pourrir les murs», M. Kuncas et ses collaborateurs ont décidé de construire une serre extérieure, où ils ont déplacé la production. Alertés en 2014 par des voisins inquiets, les policiers ont cependant vite fait raser la production, et M. Kuncas a été accusé de production illégale de marijuana.

C'est aujourd'hui la nature de cette serre qui est au coeur du débat juridique qui pourrait valoir à M. Kuncas une peine obligatoire allant jusqu'à 14 ans de prison.

«Quand on a vérifié pour être sûrs d'être conformes, Santé Canada nous a dit au téléphone qu'une serre se qualifiait comme emplacement intérieur, pourvu que la construction soit un bâtiment permanent et immuable. Alors nous avons excavé le sol, fixé la structure solidement et mis un toit de grillage. Nous avions aussi un système de surveillance par caméra, des chiens de garde et même un surveillant qui venait patrouiller la nuit», affirme M. Kuncas, photos à l'appui.

Ses arguments n'ont pas semblé convaincre le juge Bertrand St-Arnaud, de la Cour du Québec, à qui M. Kuncas a montré les photos de la serre lors d'une première audience au palais de justice de Valleyfield. Le magistrat a refusé d'entendre ses explications concernant l'appel téléphonique qu'il dit avoir eu avec Santé Canada, jugeant qu'il s'agit de ouï-dire.

«Ça me dégoûte de plaider coupable»

«Après l'audience, mon avocate m'a fortement recommandé de plaider coupable à une accusation de possession simple avec absolution inconditionnelle», dit M. Kuncas. 

«Mais si je plaide coupable, j'aurai quand même un dossier criminel, et je pourrais être bloqué à la frontière américaine pour toute ma vie.»

M. Kuncas doit repasser en cour ce matin, et il devra décider s'il plaide coupable ou non aux chefs d'accusation réduits. «Ça me dégoûte de plaider coupable pour un crime que je n'ai pas commis. Mais pour contester ma cause jusqu'au bout, ça me coûtera au minimum 50 000 $ en frais d'avocat, et il y a un risque énorme que je me retrouve en prison quand même. Je suis coincé. Le Canada est censé être un pays de droits fondamentaux. Dans les circonstances, je me demande vraiment si c'est vrai», dit-il.

PHOTO FOURNIE

La serre de Vygantas Kuncas.