Une jeune femme condamnée à six ans de prison pour avoir tué son père voit sa peine réduite à deux ans et à une contraignante probation de trois ans par la Cour d'appel du Québec, qui rappelle l'obligation pour les tribunaux de tenir compte des circonstances particulières des Autochtones.

Stacey Sikounik Denis-Damée avait plaidé coupable à une accusation d'homicide involontaire et reçu sa peine de six ans de prison en mai 2017.

La Cour d'appel a décidé de modifier la durée de l'incarcération pour cette jeune membre de la communauté d'Opitciwan, dont la vie a été marquée « par le dysfonctionnement total de la cellule familiale, minée par l'alcool, la drogue et la violence ».

Le plus haut tribunal de la province qualifie la vie de la jeune femme de « tout, sauf tranquille » et « aux confins de l'indignité humaine ».

Au moment du parricide, le 28 juin 2015, Stacey Sikounik Denis-Damée n'avait que 21 ans. Elle s'était rendue avec sa mère dans une maison voisine, où elle avait appris que son père se trouvait avec sa jeune maîtresse. Ayant consommé de la drogue et des stupéfiants, elle en est venue aux coups avec celui-ci.

Plus tard, à la maison, le calme revient mais la jeune femme ressort subitement de sa chambre pour se rendre dans celle de ses parents. Se retrouvant face à face avec son père, elle lui porte un coup de couteau qui s'avérera fatal, est-il relaté dans le jugement rendu lundi.

Sur sa vie, il est entre autres rapporté que les parents de Stacey ont de graves problèmes de drogue, et qu'elle-même a commencé à consommer à l'âge de neuf ans. Elle abandonne l'école en première secondaire.

Le juge de première instance était d'avis que la peine normalement accordée pour ce crime se situe entre neuf ans de prison et l'emprisonnement à perpétuité. Michel Boudreault, de la Cour du Québec, en impose alors six, soulignant tenir compte des circonstances de la vie troublée de cette jeune Autochtone, mais aussi de la gravité de son crime.

Mais la Cour d'appel n'est pas d'accord. Elle tranche qu'il n'a pas correctement appliqué les principes de la détermination de la peine, qui prévoient que toutes les circonstances des délinquants doivent être évaluées pour une peine propre à chaque individu.

Un article du Code criminel prévoit qu'un juge qui détermine la peine doit tenir compte des sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, « plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones ». À cet égard, la Cour souligne qu'il s'agit d'une disposition réparatrice visant à restreindre le recours à l'emprisonnement pour tous les délinquants, jouant un rôle réparateur particulier à l'égard des membres des Premières Nations.

Bref, la Cour rappelle certains principes: il faut prendre en considération le contexte autochtone dans la détermination de la peine, même si le crime est grave, et aussi, pour le même crime, deux délinquants peuvent avoir des peines différentes, si leurs circonstances ne sont pas les mêmes.

« Sans vouloir excuser ou banaliser le crime », insiste-t-elle, la Cour estime que les problèmes endémiques de la communauté, les séquelles persistantes sur les descendants de ceux qui ont fréquenté les pensionnats autochtones et l'« environnement familial pitoyable » de la jeune femme en question « constituent des facteurs historiques et systémiques qui amoindrissent son degré de culpabilité morale ».

Celle-ci regrette amèrement son crime, n'avait jamais souhaité faire du mal à son père, et est réhabilitable selon les rapports déposés à la Cour. Elle suit une thérapie en prison - et veut la poursuivre à sa sortie - et termine son cours secondaire. Elle est décrite comme une jeune femme intelligente, gentille et franche. Elle n'avait aucun antécédent judiciaire.

La Cour réduit donc à deux ans la peine d'emprisonnement - une durée plus indiquée dans sa situation, dit la Cour - mais l'assortit d'une probation contraignante de trois ans, jugeant qu'elle doit avoir un encadrement pour lancer son nouveau projet de vie. Elle lui impose notamment de suivre une thérapie d'un minimum de six mois dans un centre de réhabilitation de toxicomanie et de fournir un échantillon d'une substance corporelle à intervalles réguliers.