Le mot semble se passer cet été chez les Hells Angels. Deux mois après une poursuite similaire intentée par le motard Daniel Beaulieu, un second membre des Hells Angels arrêté dans l'opération SharQc réclame des millions de dollars à Québec, à une ancienne procureure et à un délateur pour la violation de ses droits fondamentaux.

Le membre de la section des Hells Angels de Sherbrooke Christian Ménard réclame solidairement 3 millions à la procureure générale du Québec (au nom du Directeur des poursuites criminelles et pénales), à l'ancienne procureure-chef de SharQc Madeleine Giauque et au délateur Sylvain Boulanger. Il se décrit maintenant comme un entraîneur en conditionnement physique « reconnu à l'échelle nationale ».

Accusé de meurtre au premier degré et de complot pour meurtre pendant l'opération SharQc en 2009, Christian Ménard a été libéré de toutes ses accusations six ans plus tard à la suite du retrait des accusations par la poursuite. Il est demeuré « incarcéré illégalement durant 17 mois et demi » et a été soumis à des conditions « exigeantes » de remise en liberté pendant cinq ans, précise-t-il dans sa poursuite déposée jeudi dernier.

Christian Ménard tire à boulets rouges sur l'ex-procureure Madeleine Giauque (maintenant à la tête du Bureau des enquêtes indépendantes), la Sûreté du Québec et la procureure générale du Québec dans sa poursuite. Il leur reproche d'avoir caché de la preuve qui aurait nui au témoignage du délateur-clé Sylvain Boulanger et d'avoir sciemment omis de divulguer de la preuve en raison de leur désir de « gagner à tout prix ».

Le Hells Angel dénonce notamment la « malveillance » et l'« indifférence flagrante » de l'État et de Me Giauque pour la protection de ses droits. « Ces manquements aux obligations constitutionnelles de divulgation sont très graves, malveillants, inexcusables et ont causé de sérieux dommages [à Christian Ménard] », plaide-t-on dans la poursuite.

Selon Christian Ménard, le motif réel de la poursuite en l'accusant était « d'anéantir les Hells Angels ». « Les déclarations inexactes du [délateur] Sylvain Boulanger ont servi d'outil à la poursuite pour l'atteinte de son réel objectif, soit de mettre l'ensemble des membres présumés des Hells Angels en prison pendant une certaine période de temps », indique-t-on.

«Profond sentiment d'injustice»»

Christian Ménard soutient vivre encore aujourd'hui un « profond sentiment d'injustice ». De plus, son nom va demeurer « attaché à un meurtre » toute sa vie, malgré son casier judiciaire vierge. C'est pourquoi il réclame 2 millions de dollars pour le stress, la perte de jouissance et la perte de liberté, ainsi que 1 million en dommages punitifs.

Jusqu'à récemment, les poursuites intentées par un membre d'une organisation criminelle contre l'État, une procureure et un délateur étaient rarissimes, voire inexistantes. Mais l'influent Hells Angel Salvatore Cazzetta a lancé le bal en mai dernier en poursuivant les autorités pour 2 millions de dollars pour avoir été accusé « injustement » d'être mêlé à la vente de cocaïne dans Hochelaga-Maisonneuve.

Deux semaines plus tard, Daniel Beaulieu, un des fondateurs de la section de Québec des Hells Angels, a poursuivi la Sûreté du Québec, la procureure générale du Québec, Me Giauque et le délateur Boulanger pour 16,4 millions. Il est resté détenu pendant six ans jusqu'à ce que la poursuite dépose un arrêt des procédures en 2015.