Les membres d'une commission d'enquête sur trois suicides survenus au Collège militaire royal du Canada ont dû composer avec des retards et des obstacles troublants dans l'obtention d'informations et de preuves essentielles au cours de leur enquête interne qui a duré près d'un an.

Une copie censurée du rapport final de la commission d'enquête fournie aux journalistes cette semaine confirme que les élèves officiers Harrison Kelertas, Brett Cameron et Matthew Sullivan se sont suicidés lors d'incidents distincts en 2016.

Le rapport cinglant met également au jour de nombreuses lacunes et pratiques inquiétantes en matière de prévention du suicide dans cet établissement vieux de 142 ans à Kingston, en Ontario, où les futures générations d'officiers militaires sont préparées.

Celles-ci comprenaient l'utilisation de « veilles-suicides » avec d'autres étudiants - même si des études ont démontré que de telles veilles augmentaient le risque de suicide chez les observateurs et que la branche médicale de l'armée les considérait déjà comme étant préoccupantes.

Le rapport de la commission d'enquête était attendu avec impatience par les familles des trois jeunes hommes, qui l'attendaient l'année dernière et ont exprimé frustration et colère que sa publication ait été retardée, les empêchant ainsi de clore ce chapitre douloureux.

Certains craignaient que le rapport soit retardé parce que les fonctionnaires essayaient de blanchir les conclusions pour camoufler tout acte répréhensible ou négligence au collège ou dans la chaîne de commandement militaire.

Les responsables militaires ont rejeté de telles allégations, affirmant que l'enquête était extrêmement complexe et qu'elle impliquait des dizaines de témoins et des dizaines de milliers de pages de documents - qui devaient tous passer par un examen juridique final.

Les trois familles ont été informées séparément des conclusions de l'enquête au cours de la semaine dernière, mais ont jusqu'à présent refusé de commenter.

Le rapport révèle que la commission d'enquête a été confrontée à des difficultés d'accès à l'information et à la preuve, en particulier du Service national des enquêtes des Forces canadiennes, qui enquête sur les crimes majeurs au sein l'armée.

On lui a également demandé, à un certain moment, de présenter une demande d'accès à l'information et on lui a fourni des documents occultés « malgré l'autorisation de la Commission de recevoir des éléments de preuve non expurgés ».

Alors que les circonstances exactes entourant les trois suicides ont été occultées dans le rapport remis aux médias, pour des raisons de protection de la vie privée, la commission a identifié un certain nombre de préoccupations quant au risque de suicide parmi les élèves du CMR.

Ceux-ci comprenaient la stigmatisation, en particulier les craintes des étudiants que demander de l'aide affecterait leur carrière future, ce qui a également été identifié comme une préoccupation dans la population militaire en général.

La commission était également particulièrement préoccupée par le fait que les commandants du CMR ordonnaient régulièrement aux élèves de veiller sur leurs camarades qui présentaient des tendances suicidaires.

Deux de ces veilles ont été commandées au CMR au cours du premier semestre de 2016, même si des études avaient montré qu'elles augmentaient le risque de suicide chez les observateurs et que la branche médicale de l'armée recommandait de ne pas les utiliser.

Le CMR n'avait également pas de stratégie globale de prévention du suicide, qui existe dans d'autres universités étant donné que le suicide est la principale cause de décès chez les jeunes Canadiens. L'absence d'une telle stratégie a rendu l'accès aux services de soutien plus difficile pour les étudiants.

Les fonctionnaires ne savaient pas non plus ce qui constituait une tentative de suicide ou combien il y en avait eu et, contrairement à l'Université Queen's, n'avaient pas de procédure pour aider les étudiants lors de leur arrivée au collège et lors d'autres transitions.

Enfin, le rapport soulève des préoccupations quant à la façon dont le personnel du collège traitait les suicides après les faits, affirmant qu'il y avait une « sous-estimation et une mauvaise compréhension de l'effet du suicide sur le personnel, les amis et les survivants ».

Au total, le conseil a formulé 78 recommandations pour régler les nombreuses questions soulevées dans le rapport.