Dans ce qui semble être une première dans les annales judiciaires au Canada, un tribunal de Terre-Neuve-et-Labrador a reconnu trois adultes non mariés comme étant les parents légaux d'un enfant né dans leur «relation polyamoureuse».

Ces relations polyamoureuses sont tout à fait légales au Canada, contrairement à la bigamie et la polygamie, qui impliquent deux mariages ou plus. Dans ce cas-ci, la famille de Saint-Jean comprend deux hommes en relation avec la mère d'un enfant, né en 2017.

Le juge Robert Fowler, de la division de la famille de la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador, a expliqué que «la société évolue continuellement, et les structures familiales évoluent avec elle». Le magistrat a estimé que cette nouvelle réalité ne doit pas être considérée en soi «comme un préjudice pour l'intérêt supérieur de l'enfant».

Dans sa décision rendue en avril, mais publiée jeudi, le juge Fowler rappelle que cette famille non conventionnelle est unie depuis trois ans, et que le père biologique de l'enfant est inconnu.

Ce n'est pas la première fois qu'un tribunal canadien statue qu'une famille peut compter trois parents légalement reconnus. En 2007, par exemple, la Cour d'appel de l'Ontario avait reconnu deux femmes en relation comme étant les mères d'un enfant dont le père biologique était déjà considéré comme un parent légal. Mais les trois adultes dans ce cas n'étaient pas en union libre - il ne s'agissait pas d'une «relation polyamoureuse».

À Terre-Neuve, les trois adultes de cette union polyamoureuse se sont tournés vers les tribunaux lorsque le gouvernement a déclaré qu'en vertu de la loi provinciale, seulement deux parents pouvaient être inscrits sur le certificat de naissance de l'enfant. L'avocate de la famille, Tracy Bannier, a plaidé que la loi n'avait tout simplement pas suivi les changements dans la société canadienne.

«La loi n'interdisait pas spécifiquement à un enfant d'avoir plus de deux parents: c'est simplement que les législateurs de l'époque ne pouvaient envisager une structure familiale avec plus de deux parents», a-t-elle déclaré jeudi en entrevue.

Le juge Fowler a indiqué que sa décision était dictée par l'intérêt supérieur de l'enfant, né dans une famille stable et aimante qui lui a fourni un environnement sécuritaire et stimulant. Il a convenu que la loi actuelle comporte une lacune involontaire qui va à l'encontre de l'intérêt des enfants nés de relations polyamoureuses.

«Je n'ai aucune raison de croire que cette relation porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant. Au contraire: nier la reconnaissance de parentalité aux requérants priverait l'enfant d'un héritage paternel légal, avec tous les droits et privilèges qui y sont associés.»

L'avocat torontois Adam Black prévient que les conséquences juridiques les plus importantes de cette affaire se produiront lors d'une rupture dans ces relations polyamoureuses. «Comment régler la séparation lorsqu'il y a trois parents, en particulier en ce qui concerne les questions de propriété et de soutien - tout le côté financier de la rupture?»