Le responsable de la sécurité de l'école secondaire Calixa-Lavallée, dans l'arrondissement de Montréal-Nord, menait-il une active double vie de proxénète bien organisé ? Denis Désiré, 44 ans, coordonnateur de la sécurité de l'établissement depuis 10 ans, a été arrêté le 28 avril et accusé de proxénétisme, d'avoir vécu des fruits de la prostitution, d'annonce de services sexuels, de voies de fait, de menaces, d'extorsion et de non-respect de conditions.

Ces derniers mois, il aurait pimpé, extorqué et violenté une jeune femme qui n'aurait toutefois rien à voir avec l'école secondaire. Rien n'indique pour l'heure que Désiré aurait fait des victimes au sein de l'établissement. La Commission scolaire de la Pointe-de-l'Île (CSPI) se montre également avare de commentaires sur l'arrestation de son employé. Selon nos informations, l'homme aurait aussi été entraîneur, au moins pendant une saison, de l'équipe de basketball juvénile féminine de l'école.

Denis Désiré n'a pas d'antécédents judiciaires et ses deux dossiers actuels de violence et de proxénétisme sont liés à la même présumée victime. Il a été libéré en attendant la suite des procédures, sous les conditions usuelles de ne pas communiquer avec la victime ni de l'approcher. Il ne lui est pas interdit de se rendre à l'école Calixa-Lavallée.

Fait à noter, selon des sources, la CSPI a demandé en août 2014 au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) de vérifier les antécédents judiciaires de Denis Désiré.

SOUPÇONS ET CHOC

Un membre du personnel a confié à La Presse que tous les employés de l'école sont « atterrés » par la nouvelle. « Sauf que c'est comme si tout le monde savait, poursuit-il. C'est difficile à expliquer, mais nous avions des soupçons. Il roulait en Mercedes et il avait toujours des liasses d'argent. Certains trouvaient que ça sentait l'histoire de drogue. »

Cette même source, qui a requis l'anonymat parce que le personnel a été prié de ne pas commenter l'affaire, affirme que différentes rumeurs circulaient au sujet du suspect, mais n'impliquaient pas d'élèves de l'établissement. « C'est comme si c'était trop évident pour que ce soit vrai, a-t-il indiqué. Le chef de la sécurité dans une école secondaire dans un quartier chaud comme ici, c'est comme un directeur. »

À la sortie des classes, quelques élèves ont indiqué ne pas être surpris. « On entendait des choses, il y avait des rumeurs », ont relaté certains en restant évasifs. « On ne l'approchait pas trop, on aimait mieux se tenir loin », a aussi brièvement commenté une élève. « C'est un choc, on ne s'attendait pas à ça. Tout le monde l'aimait », a ajouté un autre.

La Presse n'a pu confirmer si la direction avait été mise au courant de ces soupçons. La direction de l'école Calixa-Lavallée ne répondait pas aux questions des journalistes hier, pas plus que la commission scolaire.

« Les mesures administratives appropriées ont été appliquées auprès de l'accusé. »

- Extrait d'un court communiqué de la CSPI

« La préoccupation est de soutenir les élèves et le personnel de l'école. La direction ainsi que l'équipe d'intervention en situation de crise sont mobilisées [...] pour apporter toute l'aide nécessaire, l'accompagnement et le support », a aussi fait savoir l'établissement scolaire, assurant sa collaboration avec le SPVM « pour la suite des évènements ».

Sur le site internet de l'école, le nom de Denis Désiré avait été retiré de la section présentant les membres du personnel.

DISPUTE ET MENACES

Selon un résumé des faits lu par le procureur de la poursuite, Me Pascal Dostaler, lors de l'enquête sur remise en liberté de l'accusé, la présumée victime de Désiré a commencé à danser nue à 15 ans et s'est mise à le fréquenter en 2014, alors qu'elle avait 18 ans.

Le 24 mars dernier, une dispute a éclaté entre les deux ; Désiré aurait violenté la jeune femme, et celle-ci a endommagé la Mercedes de Désiré en la frappant avec des outils. Dans les semaines suivantes, Désiré aurait exigé d'être remboursé pour les dommages et aurait fait des menaces à la jeune femme, qui a fini par porter plainte contre lui à la fin d'avril.

Dans une déclaration vidéo faite aux policiers, la présumée victime raconte qu'après des fréquentations pendant un certain temps, Désiré a appelé une agence pour qu'elle soit placée dans des bars de danseuses offrant des services sexuels. Elle dit être notamment allée à Bathurst, au Nouveau-Brunswick, à Ottawa, London et Cambridge, en Ontario, et à Calgary, en Alberta.

Elle explique que c'est Désiré qui rédige et place les annonces sur un site appelé Backpage, communique avec les clients et fixe les prix. Elle dit qu'une fois le travail terminé, elle doit remettre tout son argent à Denis Désiré.

Selon elle, avant de partir, Désiré lui remet deux cellulaires avec lesquels elle communique avec les clients. À Calgary, elle doit prendre un taxi et se rendre dans un logement que Désiré loue sur Airbnb. Il lui texte ensuite le code pour déverrouiller la porte. Désiré lui texte le montant qu'elle doit faire et tous les deux jours, elle doit transférer tout son agent à Désiré par Western Union ou directement dans le compte de ce dernier à la Banque TD.

La jeune femme dit avoir deux tatouages sur le corps représentant Désiré : le premier, Denis Désir, et le second, El presidente The Nice, les surnoms de l'accusé.

Elle ajoute que c'est Désiré qui paie son logement où il n'y a aucun meuble, sauf un matelas posé par terre.

AVIS DE RECHERCHE

La jeune femme affirme avoir vu sur le téléphone cellulaire de Désiré des photos de femmes arborant les mêmes tatouages et que celles-ci pourraient également travailler pour lui. C'est probablement la raison pour laquelle l'Équipe intégrée de lutte contre le proxénétisme, chapeautée par le SPVM, a publié un communiqué et diffusé la photo de Désiré en demandant à toute autre victime potentielle de se manifester.

Me Dostaler a également affirmé que les policiers ont pu vérifier certaines informations fournies par la jeune femme. Ils ont notamment retrouvé des images de caméras de surveillance démontrant qu'elle a pu être violentée par l'accusé le 24 mars dernier.

Ils ont constaté que son logement ne possède ni meubles ni électroménagers, que le numéro de compte de Désiré à la Banque TD correspond aux dires de la présumée victime et que les banques de données de la police indiquent que d'autres femmes arborent des tatouages similaires.

Notons toutefois que toute la preuve dévoilée à l'enquête sur remise en liberté de Désiré n'a pas été testée en cour et par son avocat, Me Serge Lamontagne.

Outre son poste de coordonnateur de la sécurité à l'école Calixa-Lavallée, Denis Désiré fait de l'entretien ménager le soir. Il fréquente l'église une fois par semaine, habite depuis des années le même immeuble où vit également sa mère et mène une vie stable, a statué la juge Joëlle Roy, de la Cour du Québec.

Denis Désiré a porté plainte au Commissaire à la déontologie policière en 2012 parce qu'un policier lui avait manqué de respect alors qu'il avait été arrêté au volant d'une Jaguar pour une infraction au Code de la sécurité routière. Il avait obtenu gain de cause.

Photo fournie par le SPVM

Denis Désiré a été arrêté le 28 avril et accusé de proxénétisme, d'avoir vécu des fruits de la prostitution, d'annonce de services sexuels, de voies de fait, de menaces, d'extorsion et de non-respect de conditions.