L'entrepreneur en construction Sylvain Fournier fait appel de sa déclaration de culpabilité pour l'homicide involontaire de son employé, mort enseveli dans une tranchée non sécurisée à Montréal en 2012. L'homme de 49 ans reproche au juge du procès d'avoir rejeté son témoignage et d'avoir tenu compte qu'il n'avait pas composé le 911 après l'éboulement.

Entrepreneur en excavation d'expérience, Sylvain Fournier et son employé de longue date Gilles Lévesque ont creusé une tranchée devant une résidence de l'arrondissement de Lachine, le 3 avril 2012, pour raccorder une conduite d'eau. Or, ils n'ont jamais sécurisé les parois de l'imposant trou par un étançonnement, comme l'exige la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Les deux hommes se trouvaient ainsi au fond du trou, lorsqu'un tas de gravier posé trop près du bord a provoqué l'effondrement d'une paroi. Gilles Lévesque est mort sur le coup, tandis que Sylvain Fournier a subi des fractures aux deux jambes. Selon les inspecteurs de la CNESST, le chantier comportait un «énorme danger d'effondrement» et aurait dû être fermé immédiatement.

Sylvain Fournier a toutefois fait un récit différent des événements pendant le procès. L'accusé a témoigné qu'un premier éboulement était survenu sans sa présence et qu'un second éboulement s'était ensuite produit, alors qu'il avait sauté dans le trou pour tenter de sauver son ami, encore vivant. Or, le juge n'a pas du tout cru la version de l'accusé.

Le juge Dupras a commis quatre erreurs sur des questions de faits - et non de droit - pendant le procès l'an dernier, indique-t-on dans la requête pour permission d'appeler d'une déclaration de culpabilité, déposée le 3 avril dernier en Cour d'appel du Québec. Sylvain Fournier demande ainsi d'annuler la décision du juge de première instance et de prononcer son acquittement, ou à défaut, d'ordonner la tenue d'un nouveau procès.

Dans sa décision, le juge Dupras reproche à Sylvain Fournier sa conduite après la mort de Gilles Lévesque. «Notons que l'accusé a téléphoné à différentes personnes alors qu'il est dans la positon que l'on sait, mais qu'il n'a pas composé le 911», dit-il. Le juge n'aurait pas dû tirer une telle «inférence négative» de la conduite de M. Fournier, soutient-on dans la demande d'appel.

Aussi, le juge du procès ne précise pas dans sa décision la séquence exacte des évènements retenus par le tribunal, alors qu'une analyse «précise» aurait été nécessaire, avance-t-on. «Notamment quant au nombre d'éboulements, au moment où ils sont survenus et à la position des travailleurs à ce moment», indique la requête.

Le juge n'aurait également pas dû s'appuyer sur l'opinion de témoins ayant uniquement observé la scène après l'accident pour conclure que Sylvain Fournier avait eu une conduite représentant un «écart marqué» par rapport à la conduite d'une personne dans les mêmes circonstances. On reproche aussi au juge dans la requête d'avoir rejeté le témoignage de l'accusé en s'appuyant sur des «éléments non supportés par la preuve».

Les observations sur la peine à imposer auront lieu le 9 mai prochain. En vue de cette audience, Sylvain Fournier s'est soumis à un examen polygraphique dont «les résultats supportent sa version sur des éléments essentiels», souligne-t-on dans la requête.

Photo Patrick Sanfaçon, archives La Presse

Gilles Lévesque est mort le 3 avril 2012 sur un chantier d'excavation devant une résidence de l'arrondissement de Lachine.