La Cour supérieure du Québec a récemment autorisé l'exercice d'une action collective contre le gouvernement du Canada pour certains des employés touchés par les ratés du système de paie Phénix.

La demande d'action collective faisait état des nombreuses erreurs avec lesquelles les employés ont dû composer depuis l'implantation du système en février 2016. Elle notait  par exemple que certains employés ont été payés en trop avant d'être contraints de rembourser, que des heures supplémentaires n'ont pas été rémunérées et que certains employés n'étaient simplement pas payés pour leur travail, alors que d'autres étaient payés incorrectement ou en retard.

La demanderesse Ezmie Bouchard a travaillé au bureau de Passeport Canada, à Québec, d'abord comme employée étudiante puis comme employée occasionnelle, de janvier à août 2016. Au cours de cette période, plusieurs erreurs ont été faites sur son salaire, et au moment où elle quitte son emploi, un montant de l'ordre de 4800 $ de salaire lui est dû, peut-on lire dans la demande. Lorsqu'elle a finalement reçu un remboursement, celui-ci était trop élevé de 1000 $, un montant qu'elle a dû rembourser par la suite.

L'action collective viserait à obtenir un montant de base de 500 $ pour les employés admissibles, en compensation pour tous les inconvénients relatifs au milieu de travail en général.

«Quand on parle aux gens, on se rend compte que le simple fait d'avoir été employé de la fonction publique pendant la période leur a causé un préjudice», note Me Julien Fortier du cabinet Saraïlis Avocats, qui représente les employés.

On demande également un montant de 1000 $ additionnel pour les employés ayant eu des erreurs dans leur paie, qu'il s'agisse d'un surplus ou d'une somme manquante. Un montant plus élevé sera réclamé pour les gens qui n'ont pas reçu au moins la moitié de leur paie pendant au moins deux périodes de paie consécutives.

«Puis ensuite, il y a des gens qui ont subi des préjudices particuliers, alors pour ces gens-là, il pourrait y avoir un mécanisme de recouvrement individuel. Quelqu'un pourrait exposer sa situation particulière, et selon le mécanisme qui pourra être déterminé par la cour, pourra demander un dommage particulier supplémentaire», ajoute Me Fortier.

Les employés admissibles

Dans sa décision rendue le 3 avril dernier, le juge Jean-François Émond a toutefois mis un bémol quant aux catégories d'employés visés.

Ainsi, «les employés ayant le droit de présenter un grief en vertu de l'article 208 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral ont été exclus du groupe. Cela inclut autant les employés syndiqués que les employés non syndiqués», précise le cabinet Saraïlis Avocats.

Par conséquent, souligne-t-il, «les principaux employés qui demeurent dans le groupe sont ceux qui n'ont pas accès au système de grief, dont les étudiants, les occasionnels et les retraités».

Me Julien Fortier estime qu'entre 40 000 et 70 000 personnes, à travers le Canada, pourraient être incluses dans la définition du groupe admissible autorisée par la Cour supérieure.

«Évidemment, c'est difficile à évaluer parce que le nombre d'employés occasionnels du gouvernement fluctue», souligne-t-il.

Le cabinet d'avocats note que la possibilité d'en appeler de la décision pour représenter «ces personnes qui risquent d'être laissées pour compte» n'est pas exclue.

Me Fortier affirme par ailleurs que les travailleurs floués par Phénix devront s'armer de patience, puisque le processus judiciaire peut prendre du temps.

«Notre action collective ne peut pas faire de miracle ou régler de problèmes informatiques. C'est une action collective qui vise à (dédommager) les gens pour leur préjudice. On pense que c'est essentiel, mais on a un morceau du casse-tête de Phénix parmi tant d'autres morceaux», rappelle-t-il.

Interrogé au sujet de l'autorisation d'action collective à sa sortie de caucus, mercredi, le secrétaire parlementaire de Carla Qualtrough, ministre des Services publics et de l'Approvisionnement, Steven MacKinnon, a préféré s'abstenir de commenter une cause qui est devant la cour.

Il a toutefois admis que les problèmes du système de paie auraient dû être réglés depuis un bon moment.

«Je ne pense pas qu'on ait déjà hésité à dire que ça fait longtemps que ça aurait dû être réglé, que ça n'aurait pas dû arriver et qu'on déploie toutes les ressources humaines, financières et technologiques qui sont disponibles afin de remédier au problème», a-t-il lâché.