La pression s'accentue sur le gouvernement Couillard pour qu'il abolisse le délai de prescription inscrit au Code civil du Québec pour les cas d'agression sexuelle et de violence conjugale.

Des organismes, des avocats et des personnalités politiques sont venus donner leur appui, mercredi en conférence de presse, aux victimes d'agressions qui réclament que Québec abolisse la limite de 30 ans au-delà de laquelle on ne peut plus intenter de recours judiciaire.

La démarche vise particulièrement les personnes qui auraient pu être victimes d'agressions sexuelles durant leur enfance, souvent par des membres de congrégations religieuses, il y a plusieurs décennies.

Pour toutes sortes de raisons, les victimes ont tendance à cacher les agressions subies ou n'osent pas dénoncer l'auteur du crime, qui peut entraîner des séquelles importantes.

«La gêne et la culpabilité empêchent les victimes de crimes sexuels d'agir prestement comme le font les justiciables ordinaires. Les victimes prendront souvent des décennies avant de se libérer et trouver la force d'agir en justice», a commenté celui qui est à l'origine de la démarche et qui est le porte-parole des victimes de Religieux de Ste-Croix, Sébastien Richard.

L'avocat impliqué dans l'action collective intentée contre la Congrégation de Ste-Croix, Me Alain Arsenault, a soutenu qu'il s'agissait là d'un véritable «enjeu de société», que le gouvernement ne pouvait plus ignorer.

Si Québec légiférait dès demain pour abolir le délai de prescription, des milliers de personnes pourraient lever la main et chercher à obtenir justice, selon lui. Il évalue que le dédommagement anticipé pour chacune pourrait se situer entre 100 000 $ et 150 000 $ par victime, selon l'ampleur des sévices subis.

En 2011, à la faveur d'une action collective, la Congrégation de Ste-Croix avait accepté de verser 12 millions à quelque 200 plaignants, pour des agressions commises entre 1950 et 2001 dans plusieurs établissements scolaires du Québec. Chaque victime avait reçu un chèque allant de 10 000 $ à 250 000 $, selon la gravité des actes subis et des séquelles endurées.

Le temps file dans un dossier de cette nature, d'où l'urgence d'intervenir, a renchéri Me Marc Bellemare, en rappelant que les victimes et surtout leurs agresseurs sont souvent des gens très âgés.

«L'imposition d'un délai de poursuite aux victimes d'agression sexuelle constitue une honte pour le Québec», à ses yeux. Il n'y a «aucune raison», de quelque nature que ce soit, de maintenir le statu quo, selon l'avocat spécialisé dans la défense des victimes d'actes criminels et ancien ministre de la Justice.

Les deux avocats ont souligné que toutes les provinces canadiennes avaient déjà aboli ce délai de prescription, sauf le Québec et l'Île-du-Prince-Édouard.

Me Arsenault soupçonne que Québec a refusé jusqu'à maintenant les demandes en ce sens en raison «du lobby des institutions religieuses et le risque que le gouvernement du Québec soit lui-même poursuivi à titre d'employeur ou de responsable d'institution».

Les trois partis d'opposition à l'Assemblée nationale (le Parti québécois, la Coalition avenir Québec et Québec solidaire) sont venus eux aussi réaffirmer leur souhait de voir Québec abolir ce délai de prescription.

Car il convient de «reconnaître pleinement la souffrance des victimes», a plaidé la vice-cheffe du Parti québécois, la députée Véronique Hivon, qui en fait une question d'humanité et de dignité.