Un avocat et son client accusés d'avoir voulu corrompre un témoin important dans l'enquête policière sur SNC-Lavalin ont bénéficié d'un arrêt des procédures à leur endroit vendredi, parce que la cour a déterminé que la GRC avait violé le secret professionnel qui protège la relation client-avocat en enquêtant sur eux.

Les faits remontent à 2013. À l'époque, Riadh ben Aïssa, l'ancien vice-président directeur de la division construction de SNC-Lavalin, était détenu en Suisse pour des accusations de corruption et blanchiment d'argent. Il avait accepté de collaborer avec la GRC et de dévoiler tout ce qu'il savait sur les malversations au sein de la multinationale québécoise.

Ben Aïssa détenait notamment des informations sur son prédécesseur chez SNC-Lavalin, Sami Bebawi, qui est accusé d'avoir reçu des pots-de-vin de la Libye.

La GRC croyait que l'avocat montréalais de Bebawi, Constantine Kyres, avait essayé de convaincre ben Aïssa de changer son témoignage en échange d'une dizaine d'une dizaine de millions de dollars.

Scénario d'infiltration

Un scénario d'infiltration avait été mis sur pied. Un policier incognito s'était présenté à Me Kyres comme un mystérieux « consultant » qui avait été embauché pour faciliter le paiement entre Bebawi et ben Aïssa en échange d'une modification du témoignage. La GRC avait créé pour son faux consultant un faux passeport, de faux bureaux à Toronto, une fausse secrétaire (jouée par une policière) et un faux chauffeur (joué lui aussi par un policier).

Les discussions entre Me Kyres et le policier qui se faisait passer pour un consultant de Riadh ben Aïssa avaient mené à l'arrestation de Me Kyres et de son client Bebawi, qui ont été accusés d'entrave à la justice.

Mais les avocats des deux hommes ont plaidé que la police avait violé le secret professionnel qui protège les relations entre un avocat (Kyres) et son client (Bebawi). La cour leur a donné raison, ce qui a forcé la procureure de la couronne à annoncer un arrêt des procédures puisqu'une grosse partie de la preuve devenait inutilisable.

Sacro-sainte protection

« Toute la preuve avait été obtenue en violation de la nature sacro-sainte du secret professionnel de la relation avocat-client, qui existe depuis des centaines d'années ! » s'est exclamé Me Frank Pappas, avocat de Constantine Kyres, hier.

« On est heureux d'avoir la chance de rétablir la crédibilité de notre client, qui a été sali dans le cadre de cette enquête sans mérite », a ajouté Me Alexandre Bergevin, avocat de Sami Bebawi, qui est toujours en attente de son procès pour les pots-de-vin qu'il aurait reçus de Libye.