Le gouvernement Trudeau jongle plus que jamais avec l'idée d'accorder une amnistie générale aux Canadiens qui ont été reconnus coupables de possession simple de marijuana dans le passé, alors que plusieurs États américains, dont la Californie, ont déjà retenu cette option au moment de légaliser le cannabis sur leur territoire.

Pour l'heure, la priorité du gouvernement Trudeau est de mener à bien son projet de loi visant à légaliser la marijuana au plus tard le 1er juillet avec le concours des provinces et des municipalités. Le projet de loi C-45 a été adopté par la Chambre des communes en novembre dernier par un vote de 200 à 82 et il a été expédié au Sénat pour qu'il en fasse l'étude à son tour.

Mais dès que cette mesure entrera en vigueur et que la vente et la distribution du cannabis seront une réalité au pays, Ottawa entend bien statuer sur le cas de centaines de milliers de personnes qui traînent un casier judiciaire parce qu'elles ont été arrêtées et condamnées pour possession simple de marijuana. Selon certaines estimations, on compte pas moins de 600 000 Canadiens qui ont un casier judiciaire pour possession de cannabis - un boulet qui peut les empêcher de décrocher un emploi ou encore de voyager à l'étranger.

En 2016 seulement, près de 20 000 personnes ont été accusées de possession simple par les corps policiers du pays, même si le gouvernement Trudeau avait clairement énoncé son intention de légaliser la marijuana. Le projet de loi C-45 permettra notamment à une personne de 18 ans et plus de posséder jusqu'à 30 grammes de marijuana. Il permettra aussi à un consommateur de cultiver jusqu'à quatre plants de pot à la maison, bien que cette mesure soit rejetée dans certaines provinces, notamment au Québec.

Dans les rangs libéraux, on affirme qu'il faudra corriger d'une manière ou d'une autre cette iniquité qui frappera les individus ayant un tel casier judiciaire pour une infraction qui disparaîtra avec la légalisation du cannabis.

Photo Adrian Wyld, Archives La Presse Canadienne

Le gouvernement de Justin Trudeau songe sérieusement à amnistier les Canadiens reconnus coupables de possession simple de marijuana.

D'ici là, toutefois, « les lois et les règles actuelles demeurent en vigueur jusqu'à l'adoption de la nouvelle loi par le Parlement », a-t-il dit.

PARAMÈTRES À DÉFINIR

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) presse depuis deux ans le gouvernement Trudeau de décriminaliser la possession simple de marijuana pour éviter que d'autres Canadiens soient inculpés et doivent ainsi traîner un casier judiciaire pour une infraction qui n'en sera plus une quand le cannabis sera légalisé. Le NPD réclame aussi qu'Ottawa accorde une amnistie générale aux Canadiens qui ont déjà un casier judiciaire pour la possession simple de marijuana.

Si le gouvernement libéral semblait écarter l'option d'une amnistie au départ, le premier ministre Justin Trudeau a entrebâillé la porte en avril dernier durant une assemblée publique à Toronto. « Nous allons voir ce que nous pouvons faire pour les gens qui ont un casier judiciaire pour quelque chose qui ne sera plus un crime », avait alors simplement affirmé M. Trudeau.

Sous le couvert de l'anonymat, une source gouvernementale a indiqué à La Presse hier que la décision à cet égard est essentiellement prise, même si le cabinet n'a pas encore été saisi du dossier. C'est qu'il reste à définir les paramètres d'une telle amnistie.

Dans l'intervalle, M. Bardsley a souligné qu'une personne reconnue coupable de possession simple de marijuana, jusqu'à 30 grammes, peut demander la suspension de son casier par l'intermédiaire de la Commission des libérations conditionnelles du Canada cinq ans après avoir purgé sa peine.

Le gouvernement Trudeau tient d'ailleurs des consultations publiques relativement aux réformes qui pourraient être adoptées pour simplifier le système de pardon. « Nous voulons nous assurer que la période d'attente, les frais et le but du programme sont équitables, proportionnels et productifs. Nous y arriverons en mettant en oeuvre des politiques de justice pénale axées sur des données probantes qui appuient la réadaptation, préviennent la criminalité et la victimisation et assurent la sécurité de nos collectivités », a-t-il affirmé dans un courriel à La Presse.

« CONSÉQUENCES DÉVASTATRICES »

Selon le député néo-démocrate Don Davies, le gouvernement Trudeau doit absolument procéder à une amnistie générale pour ceux qui traînent un casier judiciaire. « Cela fait plus d'un an que nous talonnons le gouvernement Trudeau à ce sujet. Cela affecte beaucoup les jeunes, les gens de races différentes et les autochtones », a affirmé M. Davies.

Ce dernier avait d'ailleurs présenté, durant l'étude du projet de loi C-45, une motion proposant une amnistie générale, à tout le moins dans le cas des individus coupables des infractions qui seront éliminées par le projet de loi, mais cette motion a été rejetée par les membres du comité de la santé des Communes.

Selon M. Davies, le gouvernement Trudeau doit aussi entreprendre des négociations avec les autorités américaines pour éviter que les Canadiens ayant déjà consommé du cannabis ne soient refoulés à la frontière canado-américaine.

La militante procannabis Jodie Emery, qui a été condamnée en décembre dernier, tout comme son mari Marc Emery, à payer une amende de 195 000 $ pour possession de marijuana dans le but d'en faire le trafic, a affirmé hier qu'une amnistie s'impose dans les plus brefs délais. « Je milite depuis des années pour cette amnistie. Il faut que le Canada suive les traces de la Californie », a-t-elle dit.

Interdiction de consommer du cannabis dans les lieux publics réclamée à Montréal

Devrait-on encadrer le cannabis comme le tabac ou plutôt l'alcool ? Alors qu'Ottawa s'apprête à légaliser la substance, l'opposition à l'hôtel de ville de Montréal réclame l'interdiction d'en consommer dans tout lieu public sur l'île. Le parti de Lionel Perez déposera une motion lors du conseil municipal du 22 janvier prochain pour demander une modification du règlement sur la paix et le bon ordre. On souhaite ainsi « interdire à partir du 1er juillet 2018 de consommer ou d'absorber du cannabis sur le domaine public ». Il serait ainsi interdit de fumer un joint dans les rues, sur les trottoirs ou dans les parcs de Montréal. « On veut assimiler l'usage cannabis à celui de l'alcool plutôt qu'à celui du tabac », explique Lionel Perez, chef de l'opposition par intérim. Il évoque notamment le fait que l'exposition à la fumée secondaire pourrait représenter une nuisance plus importante que celle représentée par le tabac. Il dit aussi vouloir éviter de banaliser la consommation de cannabis auprès des jeunes. Malgré cette interdiction, l'opposition conserverait la possibilité d'autoriser la consommation à certains évènements, comme cela se fait avec l'alcool. Il y aurait peut-être un intérêt pour certains festivals, comme Osheaga. Mais une célébration de quartier avec beaucoup d'enfants, ce serait inapproprié », dit-il. L'administration Plante a toutefois indiqué qu'elle ne compte pas appuyer la demande. En entrevue à Radio-Canada, la mairesse Valérie Plante a indiqué qu'elle comptait se « coller aux mêmes interdictions [que] pour le tabac ». On note par ailleurs que les règlements de Montréal permettent déjà d'interdire de fumer le tabac dans certaines portions des parcs de Montréal, notamment les zones dédiées aux jeunes enfants.

- Pierre-Andrée Normandin, La Presse