Une syndique du Barreau du Québec, chargée de faire respecter la discipline au sein de l'ordre professionnel, vient d'être épinglée pour avoir réclamé « un taux d'intérêt criminel » à un client retardataire.

Me Chantal Boyer, syndique correspondante en Abitibi, poursuivait un client pour lui réclamer les 1600 $ qu'il lui devait. Mais les taux d'intérêt et les frais exigés par l'avocate s'additionnaient pour totaliser plus de 60 % par année, soit la limite imposée par le Code criminel.

« Si les conclusions de la demande sont accueillies, la demanderesse peut percevoir des intérêts au taux crimin[e]l », a écrit le greffier spécial Vasil Petrishki, dans une décision rendue à la fin de novembre.

Par ailleurs, même le taux d'intérêt de base imposé par Me Boyer violerait le Code de déontologie des avocats, selon Me Petrishki. « Ce taux d'intérêt est déraisonnable et donne un caractère de lucre à la profession », a-t-il évalué.

Vu les obligations déontologiques du greffier spécial, « une copie du jugement sera envoyée au Syndic du Barreau », a-t-il ajouté. La décision a par ailleurs condamné le mauvais payeur à rembourser sa dette avec un taux d'intérêt beaucoup plus bas.

SURPRISE PAR LA DÉCISION

Me Boyer s'est d'abord dite surprise lors de l'appel de La Presse, indiquant qu'elle allait appeler le greffier spécial pour tirer l'histoire au clair.

Lors d'un second appel, elle a indiqué qu'elle comptait contester la décision de Me Petrishki : « J'ai lu la décision au complet, ce que je n'avais pas eu le temps de faire, et je vais en révision judiciaire. Donc le dossier va être devant les tribunaux, a-t-elle indiqué. Je suis quelqu'un d'excessivement intègre. [...] Des actions sur compte [des réclamations d'honoraires], j'en ai pris deux. Je n'en ai jamais pris d'autres. Mes clients qui viennent payer ici, même s'ils sont en retard, je n'ai jamais demandé d'intérêts. »

Les greffiers spéciaux tranchent habituellement les dossiers très simples ou - comme dans le cas de Me Boyer - les dossiers pour lesquels la personne poursuivie ne se présente pas devant la Cour des petites créances. Ils rendent souvent des décisions très brèves. Celle de Me Petrishki fait plutôt 127 paragraphes.

Le Barreau du Québec a refusé d'indiquer si Me Boyer demeurerait membre du Bureau du syndic de l'ordre professionnel.

« Le Barreau du Québec a pris connaissance de ce jugement rendu par la Division des petites créances mais ne fera aucun commentaire sur celui-ci, a indiqué Martine Meilleure, chargée des communications, par courriel. Nous vous rappelons que le Barreau du Québec ne commente jamais les dossiers judiciaires ou disciplinaires, ni les situations impliquant l'un des membres du Tableau de l'Ordre, par souci de démontrer son respect pour l'administration de la justice et pour ne pas risquer de porter ombrage à des processus en cours ou éventuels. »