Une clinique de fertilité a commis une faute en omettant d'annoncer à un homme qu'il n'était pas le père d'un enfant dont il s'est cru le géniteur pendant plus de trois ans.

C'est ce qu'a décidé la Cour supérieure la semaine dernière en rejetant toutefois la poursuite de 220 000 $ de ce dernier en raison d'une formalité.

Le nom de l'homme a été inscrit sur le certificat de naissance de l'enfant, il s'en est occupé comme un père en pensant être le père. Il continue à ce jour d'exercer sa garde partagée, malgré l'imbroglio à présent dissipé.

La mère de l'enfant, Madame E., fréquentait deux partenaires au moment où elle est tombée enceinte, en 2010. Avec Monsieur L., qu'elle croyait probablement être le père, Madame a fait réaliser un test d'ADN à la Clinique OVO. On lui a annoncé les résultats au téléphone.

Madame E. a affirmé au tribunal qu'elle avait compris de son interlocutrice que Monsieur L. était le géniteur de l'enfant et qu'elle lui avait aussitôt transmis la nouvelle. Mais la spécialiste de la Clinique OVO, Dominique Bérubé, a affirmé qu'elle avait annoncé le contraire à Madame E.

Ce n'est que deux ans plus tard, lorsqu'on s'est rendu compte que l'enfant ressemblait davantage à Monsieur G., que la mère a rappelé OVO et que la situation a été clarifiée.

Le juge François Duprat, de la Cour supérieure, a cru la version de Mme Bérubé selon laquelle l'annonce avait été réalisée correctement.

Toutefois, a décidé le juge, la clinique aurait aussi dû informer directement Monsieur L. des résultats. « Le défaut de communiquer avec Monsieur L. de la part de la clinique est fautif », a écrit le juge Duprat.

« Cette solution rejoint autant la diligence dont doit faire preuve le professionnel qui reçoit une analyse pour son patient que l'entrepreneur qui s'engage vis-à-vis un client pour obtenir un résultat », a écrit le magistrat en réponse à OVO qui plaidait n'être qu'un fournisseur de services dans cette situation.

Comme il a prêté foi à la version de Mme Bérubé plutôt qu'à celle de la mère de l'enfant, il a conclu que la clinique n'avait commis aucune faute à l'égard de cette dernière ou du père biologique et a rejeté leur poursuite de plusieurs centaines de milliers de dollars.

Le juge François Duprat n'a toutefois pas accordé un sou non plus à Monsieur L., car il a estimé que les procédures légales avaient été entamées plus de trois ans après la date où la vérité a éclaté. Un débat existait quant à la date à laquelle l'homme avait appris qu'il n'était finalement pas le père biologique de l'enfant. Le juge a tranché cette question en établissant qu'il avait appris le 31 décembre 2013.

EN APPEL ?

Le « père par imbroglio » réfléchit à la possibilité de porter la cause en appel, selon son avocate, Me Carolyne Mathieu. « On est en étude de la décision », a-t-elle indiqué. « Pour le père légal, la reconnaissance d'une certaine responsabilité, c'est bien. Il est plutôt satisfait de cet impact-là. Pour le reste, c'est à l'étude. »

Chez OVO, on affirme prendre acte de la décision du juge Duprat. « Il y a des choses qu'on améliore continuellement, a affirmé Renée Cardinal, responsable des communications. Mais de toute façon, compte tenu de la faible demande, on a arrêté d'offrir ce test dès la fin 2013, début 2014. Ça ne fait plus partie de nos services. »

« On est satisfaits [de la décision], parce que ça redonne la confiance, s'il y en a qui doutaient. On a quand même été très affectés par ça », a-t-elle ajouté.

L'avocate de Madame E. et de Monsieur G. n'a pas rappelé La Presse.