L'équipe mixte d'enquêteurs dirigés par la Sûreté du Québec (SQ), qui enquête sur des allégations de fraude contre l'inspecteur Imad Sawaya, ancien chef de cabinet du directeur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) Philippe Pichet, n'exclut pas que d'autres officiers aient fait de l'abus de confiance en restant imperméables aux dénonciations faites par un autre policier sonneur d'alerte dans cette affaire.

C'est du moins ce qui ressort d'une déclaration sous serment au soutien d'un mandat obtenu par la SQ pour perquisitionner au quartier général du SPVM, rue Saint-Urbain, le 26 octobre dernier, et dont les quotidiens The Gazette et La Presse ont obtenu une copie hier, après s'être adressés aux tribunaux.

Rappelons que la SQ soupçonne M. Sawaya d'avoir réclamé, pendant une longue période, sans y avoir droit, des primes de fonction de sergent en fonction supérieure. M. Sawaya n'est pas accusé. Toutefois, il a été suspendu avec traitement en attendant la suite de l'enquête de l'équipe intégrée de la SQ mandatée pour faire la lumière sur les différentes allégations qui touchent le SPVM.

Les noms des policiers et témoins impliqués sont caviardés dans le document de 24 pages. En revanche, on comprend que les enquêteurs de l'équipe mixte ont interrogé quelques témoins, dont un semble important dans l'histoire.

DÉNONCIATIONS IGNORÉES

Ce dernier raconte être arrivé dans une nouvelle section en 2014 et s'être rendu compte qu'il n'avait aucun contrôle sur les heures supplémentaires facturées. Il a demandé les accès informatiques nécessaires pour vérifier si les heures supplémentaires facturées concordaient avec celles effectuées sur le terrain. Il a constaté que certaines personnes avaient réclamé des primes de fonction supérieure au cours des 10 ou 12 derniers mois, et que cela avait été fait régulièrement.

Il a dit avoir fait, à partir de 2015, cinq tentatives de dénonciation auprès d'autres policiers que l'on devine être des supérieurs, et un membre de la Division des affaires internes.

« Un policier n'est pas très intéressé et s'inquiète, peut-on lire dans le document. On comprend qu'un policier ne veut absolument pas toucher à ce dossier. Nous sommes en 2015 et une course à la direction du SPVM est en cours. Un policier mentionne au dénonciateur que ce n'est pas urgent et qu'ils en reparleront. Le dénonciateur reparle à un policier, ce dernier ne s'occupe pas du dossier et ne semble pas avoir l'intention de s'en occuper. Le dénonciateur se rend à la Division des affaires internes pour rencontrer un policier et lui fait part de ses constatations. Le policier lui répond que ce n'est pas grand-chose, qu'on ne pourrait pas faire la preuve, que ce n'était peut-être que des mauvaises pratiques et que ça allait peut-être impliquer d'autres cadres. »

« Les circonstances dans lesquelles ces réclamations ont été effectuées me laissent croire à des actes frauduleux. D'autre part, lorsque signalés à plusieurs individus, l'inaction de ceux-ci me suggèrent un abus de confiance », écrit l'enquêteur André Thériault, de la Sûreté du Québec, à la première page de sa déclaration sous serment visant à convaincre un juge de perquisitionner au quartier général du SPVM et de saisir tous les documents pertinents à son enquête.

CARACTÈRE MALICIEUX

Une lettre écrite par un dénonciateur est jointe à la déclaration sous serment. Ce dernier explique qu'un code est requis pour ajouter dans le système la prime de sergent en fonction supérieure, mais que celle-ci s'applique pour les policiers qui occupent ce poste temporaire dans les postes de quartier seulement, et non pas au quartier général.

« Une personne a invoqué une lointaine entente pour justifier l'octroi de la fonction supérieure. Or, à ce que j'ai pu comprendre, il n'a pas été démontré que des cadres ont autorisé une telle pratique dans le passé », écrit-il également dans sa lettre.

Une coordonnatrice des ressources humaines du SPVM a rencontré des enquêteurs de l'équipe mixte de la SQ lors de la perquisition du 26 octobre et raconté qu'un policier avait, à son arrivée dans une section, commencé de façon permanente à demander la prime de fonction supérieure « afin de réclamer une perte de salaire qu'il avait avec son poste précédent ».

En 2015, les ressources humaines se sont aperçues de la situation et ont réclamé une somme qui a été jugée trop élevée. Une personne est intervenue directement auprès du responsable des ressources humaines de l'époque afin que la somme soit diminuée. La coordonnatrice a fait des démarches auprès de la Ville de Montréal pour faire diminuer la somme, « mais a essuyé une fin de non-recevoir », peut-on lire dans la déclaration sous serment. Elle a réussi à faire diminuer la somme en appliquant la prescription de trois ans prévue dans le Code civil. Le policier rembourse 25 $ par paie depuis les événements.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.