La Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) vient d'être écorchée pour une enquête jugée abusive sur une employée de banque traumatisée par un vol à main armée pendant lequel elle a eu une arme braquée sur la tête.

Dima Zein, qui travaillait dans une succursale montréalaise de la TD, a été suivie à la trace pendant trois jours par les enquêteurs de l'organisme public et a vu ses comptes être passés au crible sur une période de près d'un an. Le tout pour «des questionnements ou des doutes» qui auraient pu être éclaircis autrement, selon la juge administrative Anne Vaillancourt.

La travailleuse est en arrêt de travail après avoir reçu un «diagnostic de choc post-traumatique et de crises de panique» lié à un vol à main armée survenu le 25 mars 2015. Ce jour-là, «un voleur s'est présenté devant elle avec un fusil et l'a poussée avec ce dernier», selon la décision. «Le fusil était d'abord pointé sur le côté de sa tête et ensuite devant son front.» La CNESST (connue par le sigle CSST jusqu'en 2015) fait valoir que son état ne l'obligeait pas à s'absenter plus d'un mois et lui demande de rembourser les 40 000 $ qu'elle a obtenus depuis en indemnités.

Mais les moyens pris pour enquêter sur Mme Zein semblent «nullement justifiés» et «disproportionnés», en plus de reposer sur des «motifs [qui] n'apparaissent pas rationnels», écrit Mme Vaillancourt en rejetant la preuve recueillie de cette façon.

«Des motifs rationnels»



La CNESST a refusé de s'expliquer en entrevue. Selon le jugement, son avocate a plaidé que «l'enquête était justifiée par des motifs rationnels et conduite par des moyens raisonnables». La justice était en désaccord.

Selon la décision, la CNESST voulait avoir des précisions sur les revenus exacts d'un second emploi dans un restaurant que Dima Zein occupait simultanément à son emploi à la TD pour faire vivre sa famille. L'organisme ayant reçu des informations contradictoires sur le revenu exact qu'elle y touchait et sur la possibilité qu'elle continue à s'y rendre pendant son arrêt de travail, une «enquête spéciale» a été déclenchée.

Mais ces problèmes auraient pu être éclaircis «en posant des questions», affirme le jugement, qui souligne que personne n'a jugé bon de demander le formulaire T4 de Mme Zein avant de la faire suivre.

Bref, il y avait bien d'autres moyens à prendre avant «des moyens particulièrement intrusifs».

Par ailleurs, la CNESST aurait dû prendre en compte qu'un choc post-traumatique peut avoir pour symptômes l'évitement et la procrastination. 

La décision de Mme Vaillancourt ne tranche pas le dossier sur le fond et ne fait que régler la question de la filature.

«Nous ne commentons pas les décisions rendues par les tribunaux», a affirmé par courriel Geneviève Trudel, porte-parole de la CNESST.

L'avocat de Mme Zein, Pasquale Di Prima, a indiqué qu'il n'avait pas la permission de sa cliente pour discuter du dossier. Il a toutefois affirmé que, de façon générale, «ça n'arrive pas souvent qu'on a gain de cause sur des filatures».