La controversée loi québécoise sur la neutralité religieuse, auparavant connue sous le nom de projet de loi 62, fait l'objet d'une première contestation constitutionnelle devant les tribunaux.

La procédure déposée mardi vise à faire invalider l'article 10 de la loi qui prévoit que les employés du secteur public doivent exercer leurs fonctions et que les citoyens doivent recevoir des services publics à visage découvert.

Cette obligation est discriminatoire envers les femmes musulmanes en raison à la fois de leur religion et de leur sexe, y est-il allégué.

Et cela va même plus loin: «le fait de cibler les femmes musulmanes de cette manière contribue à la création d'espaces publics qui leur sont collectivement hostiles», est-il également écrit.

Le Conseil national des musulmans canadiens (CNMC), l'Association canadienne des libertés civiles (ACLC) et Marie-Michelle Lacoste ont déposé mardi matin la contestation devant la Cour supérieure du Québec, à Montréal.

Ils demandent aussi de suspendre l'application de l'article 10 en attendant qu'un juge se prononce sur sa validité, «afin d'empêcher des préjudices irréparables dans l'intervalle».

La loi avait été adoptée plus tôt cet automne, soit le 18 octobre.

Dans la procédure obtenue par La Presse canadienne, il est allégué que la loi porte gravement atteinte à la liberté de religion et au droit à l'égalité de certaines femmes musulmanes au Québec.

«Cette exigence enfreint directement la liberté religieuse des individus, incluant les femmes musulmanes qui recouvrent leurs visages à titre de pratique religieuse. Cette Loi empêche donc certaines femmes musulmanes (...) de profiter de divers services publics, sauf si elles agissent à l'encontre de leurs propres convictions religieuses», est-il écrit.

«Ce faisant, la Loi enfreint le principe même de neutralité de l'État qu'elle prétend endosser», peut-on y lire.

L'article 10 de la loi viole la Charte québécoise des droits et libertés de la personne ainsi que la Charte canadienne des droits et libertés, font valoir le CNMC et l'ACLC.

L'atteinte à ces droits et libertés ne peut être justifiée dans une société libre et démocratique, poursuivent-ils.

Ils soulignent dans leur demande judiciaire l'indignation suscitée selon eux par l'adoption de la loi et la confusion entourant l'application de ses principes, notamment en ce qui a trait aux accommodements raisonnables qui seront accordés et quant à l'usage de transports en commun.

«Les propos de la ministre (de la Justice, Stéphanie Vallée) ont retenti comme un avertissement sévère aux femmes musulmanes se couvrant le visage pour des raisons religieuses, les décourageant directement d'utiliser les transports en commun, car elle l'a affirmé, "si vous n'embarquez pas, vous ne vous ferez pas rejeter"», plaident-ils.

On y souligne les obstacles excessifs auxquels auront à faire face les musulmanes québécoises. La loi les force à faire un «choix» déplacé entre adhérer à leurs croyances et disposer des libertés fondamentales de travailler, de participer de manière significative à la société ou d'agir de manière normale au quotidien, explique-t-on.

La ministre Vallée a défendu sa loi à plus d'une reprise, soulignant qu'elle n'est pas répressive et qu'elle respecte les chartes des droits et libertés.

Les premières ministres de l'Ontario et de l'Alberta, Kathleen Wynne et Rachel Notley, avaient déjà dénoncé la loi, cette dernière allant jusqu'à la qualifier «d'islamophobe», tandis que le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, s'est dit contre le fait que l'on dise aux femmes comment s'habiller.