Le placement syndical revient hanter la FTQ-Construction. L'Union des opérateurs grutiers, affiliée à la FTQ-Construction, et son directeur Evans Dupuis ont été reconnus coupables d'avoir recommandé un travailleur sur un chantier en s'appropriant un rôle qu'ils n'ont pas.

La Cour du Québec a rendu son jugement le 13 septembre dernier. « Le Tribunal est convaincu hors de tout doute raisonnable que monsieur Dupuis a contourné la loi en faisant indirectement ce qu'il ne pouvait faire directement », écrit la juge Guylaine Rivest.

Depuis septembre 2013, il n'est plus possible pour un syndicat de communiquer directement avec un employeur pour lui suggérer l'embauche de tel ou tel travailleur. Seuls les titulaires d'un permis de référence peuvent accéder au système sous l'autorité de la Commission de la construction du Québec (CCQ) et proposer des candidats.

Or, ni Evans Dupuis ni le syndicat qu'il dirige n'ont ce droit, parce que M. Dupuis a des antécédents judiciaires. Ce sont les titulaires de la FTQ-Construction qui agissent pour l'Union des opérateurs grutiers (local 791-G). La juge Rivest souligne qu'en tant que dirigeant, Evans Dupuis a engagé « non seulement sa responsabilité, mais également celle de l'association ».

Conséquences

Avec ce jugement et en vertu de la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction (R-20), la FTQ-Construction risque de perdre le droit de faire de la référence de main-d'oeuvre, et M. Dupuis, de représenter les membres de son syndicat. L'article 119.11 stipule qu'une personne reconnue coupable peut être déclarée inhabile à diriger une association syndicale ou à représenter les salariés pendant cinq ans.

L'année dernière, Evans Dupuis se disait victime d'une campagne de harcèlement de la part de la CCQ qui a mené plusieurs enquêtes sur le placement syndical le concernant. « Je me bats pour que l'industrie emploie des travailleurs locaux sur les chantiers, pour qu'il y ait plus de formation pour les grutiers et pour m'assurer que les opérateurs de grues de 35 tonnes soient des gens de métier. Ça, ça dérange bien des gens dans l'industrie », disait-il.

La juge Rivest a imposé à M. Dupuis et à son syndicat une amende payable dans un délai de 90 jours : 2047 $ pour la section locale 791-G et 1009 $ pour M. Dupuis.

Au syndicat, on a précisé hier qu'on allait en appeler du jugement. Aucun autre commentaire n'a toutefois été émis.

Embauche locale

Ce résultat découle d'une intervention qu'a faite M. Dupuis sur un chantier en Gaspésie, à l'hiver 2014. À l'époque, des travailleurs de la région bloquaient l'accès aux grutiers venus de Montréal et embauchés par Les Grues JM Francoeur. Le président de l'entreprise a porté plainte auprès de la CCQ et communiqué avec M. Dupuis pour dénouer l'impasse. Evans Dupuis lui a dit de favoriser la main-d'oeuvre locale, ce qui a été fait.

Par la suite, un inspecteur de la CCQ a fait enquête et deux constats d'infraction ont été délivrés pour placement syndical illégal et intimidation. Ce dernier élément n'a toutefois pas été retenu contre M. Dupuis, bien que l'employeur ait été pris « en otage, obligé de devoir embaucher un travailleur supplémentaire alors qu'il n'en [avait] pas besoin », peut-on lire dans le jugement.

Evans Dupuis est le frère de Jocelyn Dupuis, ex-directeur général de la FTQ-Construction, reconnu coupable d'avoir fraudé les membres. Cette fraude a été un des éléments déclencheurs de la révision du système de placement syndical dans l'industrie de la construction.