Le chalet de l'ancien maire de Terrebonne Jean-Marc Robitaille et de sa conjointe Monique Guilbault a été rénové et agrandi avec la participation financière de l'entrepreneur Normand Trudel. C'est ce que croient l'Unité permanente anticorruption (UPAC) et le fisc, a appris La Presse.

Selon des sources proches du dossier, les travaux ont été effectués dans le chalet situé à Saint-Jean-de-Matha en 2010 et 2011. Ils auraient coûté plus de 140 000 $. De cette somme, environ 60 000 $ n'auraient pas été déboursés par le couple.

Toujours selon nos sources, l'entrepreneur Normand Trudel aurait versé quelque 20 000 $ par le truchement de son entreprise Transport et Excavation Mascouche (TEM) pour la rénovation et l'agrandissement du chalet. M. Trudel purge actuellement une peine de 15 mois dans la communauté pour avoir participé à un système destiné à favoriser la réélection du défunt maire de Mascouche Richard Marcotte. La Presse a joint son avocat, Me Pierre Poupart, qui a dit tout ignorer de ce dossier.

Comme l'indique le rôle d'évaluation foncière de la municipalité, M. Robitaille et sa conjointe sont propriétaires du chalet depuis 2005.

293 200 $: Évaluation foncière actuelle de la propriété

photo andré pichette, archives la presse

Ancien député conservateur à la Chambre des communes, Jean-Marc Robitaille a été élu maire de Terrebonne pour la première fois en 1997. Il a remis sa démission en 2016, en invoquant son état de santé et celui de sa femme.

Les informations recueillies par La Presse démontrent que le paiement de certaines factures pour la rénovation et l'agrandissement du chalet serait passé entre les mains d'Aurèle Théberge. Ce dernier, consultant auprès de la Ville de Terrebonne, est retraité de la firme d'ingénierie Beaudoin Hurens, qui avait racheté sa firme NACEV. Le nom de M. Théberge a été mentionné devant la commission Charbonneau parce qu'il avait accompagné le maire Jean-Marc Robitaille lors d'un séjour sur le bateau de l'ex-entrepreneur Tony Accurso (le Touch). La Presse a tenté de joindre M. Théberge par l'intermédiaire de son ancien employeur, en vain.

M. Robitaille lui aurait confié la responsabilité du projet de rénovation de son chalet. À son tour, M. Théberge aurait mandaté un technicien en architecture pour la réalisation des plans et un entrepreneur pour la construction. L'entrepreneur aurait reçu au moins deux enveloppes remplies d'argent comptant pour faire les travaux, selon ce qu'a confié une source.

PROJET MÉDIATOR

Tous ces éléments font actuellement l'objet d'une enquête de l'Agence du revenu du Québec en collaboration avec l'UPAC. Les deux organisations ont partagé les informations concernant le dossier de Jean-Marc Robitaille. L'enquête se nomme Projet Médiator.

L'Agence du revenu s'intéresse particulièrement aux avantages qu'auraient reçus l'ancien maire et sa conjointe puisqu'ils n'auraient pas été inscrits dans leur déclaration de revenus. De même, l'entreprise de M. Trudel (TEM) aurait obtenu des déductions fiscales grâce à un stratagème de fausse facturation, éludant ainsi le paiement d'impôt. Selon une source, la fausse facturation aurait été faite dans le cadre du projet de la Régie intermunicipale Mascouche-Terrebonne.

À l'Agence du revenu du Québec, on ne confirme ni n'infirme quoi que ce soit, se bornant à rappeler que les dossiers sont traités de façon confidentielle jusqu'à ce qu'il y ait des poursuites, le cas échéant. Du côté de l'UPAC, la réponse a été semblable et aucun commentaire n'a été formulé.

Joint à son chalet de Saint-Jean-de-Matha mardi, Jean-Marc Robitaille a rapidement mis fin à la conversation. « Je n'ai pas de commentaire à faire », a-t-il tranché.

SOUS PRESSION

M. Robitaille a démissionné de ses fonctions de maire en novembre 2016 sous la pression du travail d'enquête - dont plusieurs perquisitions - de l'Unité permanente anticorruption le concernant. M. Robitaille, qui a également été député conservateur à la Chambre des communes (1988-1993), avait invoqué son état de santé et celui de sa femme pour quitter l'hôtel de ville.

La police le soupçonne d'avoir bénéficié de pots-de-vin. Jean-Marc Robitaille aurait été au coeur d'un système frauduleux d'attribution de contrats de la Ville de Terrebonne depuis la fusion des villes de Lachenaie, La Plaine et Terrebonne, en 2001. La garde rapprochée de M. Robitaille de l'époque est également dans la ligne de mire de l'UPAC.

Dans une déclaration sous serment de juillet 2016 pour obtenir un mandat de perquisition, l'UPAC expose les éléments de son enquête ; plusieurs passages du document judiciaire demeurent toutefois caviardés. Il y est notamment question de l'ex-maire Robitaille, de son chef de cabinet Daniel Bélec (ancien maire de La Plaine) et de l'ex-directeur général de Terrebonne Luc Papillon.

« Ces individus sont impliqués dans un système de corruption qui leur apporte de multiples bénéfices, notamment des voyages à l'extérieur du pays, des voyages de chasse et pêche et des ristournes en argent. Ce système démontre aussi que l'octroi des contrats publics à Terrebonne favorise [nom caviardé] ayant consenti ces avantages », peut-on lire dans le document.

Aucune des allégations de l'UPAC n'a subi le test des tribunaux. À ce jour, il n'y a eu aucune arrestation concernant ce dossier.

Le conseiller municipal Stéphane Berthe, de l'équipe de M. Robitaille, est actuellement maire de Terrebonne. Il est également candidat à la mairie pour le scrutin du 5 novembre prochain.