Le journaliste Patrick Lagacé estime que la police a pris des moyens d'enquête disproportionnés et coûteux pour traquer les sources journalistiques au cours des dernières années.

«Un policier m'a dit "moi je traque des gens dangereux et violents, j'ai de la misère à avoir quelques mandats". Ça bouffe de l'énergie, de l'argent, c'est lourd. Je suis consterné qu'il y ait eu 24 mandats sur ma personne. Ça devient disproportionné, c'est exagéré l'énergie qu'on met pour traquer des sources», a estimé Patrick Lagacé devant la Commission Chamberland, où il a commencé son témoignage en avant-midi.

Le journaliste a été au coeur de la saga ayant mené à la Commission d'enquête sur la protection des sources journalistiques. Toute l'affaire a éclaté en octobre 2016, quand La Presse a révélé que 24 mandats de surveillance avaient été autorisés par un juge de paix contre le cellulaire du journaliste. Plusieurs autres journalistes de différents médias ont par la suite appris avoir fait l'objet de mandats dans le cadre d'enquêtes policières.

«Je suis sorti de cette saga avec une confiance ébranlée envers la police, a témoigné Patrick Lagacé. Dans les affidavits, il y a des soupçons qui ont été inventés, des trucs qui ne tiennent pas la route. Est-ce que les flics vont se mettre à inventer que j'importe de la drogue pour m'espionner? Je ne pense pas, mais je n'ai pas assez confiance en eux pour dire que c'est impossible.»

Le journaliste a notamment cité le cas du policier Roger Larivière qui, selon lui, a été «persécuté» sous le couvert de la chasse aux sources journalistiques. «Ça envoie un message bien simple aux policiers qui seraient tentés de parler [aux journalistes]. On parle de perquisitions, d'installation d'un logiciel espion dans ton ordinateur. Le message c'est: on va transformer votre vie en enfer.»

Le journalisme dans «l'angle mort» des policiers

Questionné sur les recommandations que pourrait adopter la Commission Chamberland à la fin de ses travaux, Patrick Lagacé a estimé qu'il devrait y avoir des balises plus serrées quand un policier se présente devant un juge de paix pour obtenir un mandat de surveillance qui touche un journaliste.

«Ce n'est pas parce que les journalistes sont importants. Je suis un rouage marginal dans une machine importante qui est le journalisme», a-t-il précisé.

«Quand on voit le peu de débats qu'il y a eu au SPVM quand à la décision de permettre de m'espionner et d'espionner d'autres journalistes, tu vois qu'il n'y avait aucune sensibilisation sur l'importance du journalisme dans la société. Je ne veux pas parler d'inculture, mais c'était clairement dans leur angle mort», dit Patrick Lagacé.

Le fait que les policiers aient utilisé des «demi-vérités» dans des mandats présentés devant un juge de paix va au-delà du monde journalistique, estime par ailleurs Patrick Lagacé. «C'est pas juste inquiétant pour les journalistes, c'est inquiétant pour tout le monde qui est susceptible d'être sur le radar de la police», dit-il.