Les crimes haineux perpétrés au Canada ont bondi de 5 % en 2015, a relevé Statistique Canada, évoquant une hausse du nombre d'infractions visant les communautés musulmanes, arabes et ouest-asiatiques.

«Les chiffres d'aujourd'hui n'indiquent qu'une fraction de ce qui se passe dans nos quartiers, nos lieux de travail, nos écoles et nos lieux de culte», a affirmé Khalid Elgazzar du Conseil national des musulmans canadiens (NCCM) lors d'une conférence de presse, mardi. Il était entouré de représentants des communautés autochtones, noire et juive.

Au cours de l'année 2015, les policiers avaient déclaré un total de 1362 crimes motivés par la haine d'un groupe identifiable, soit 67 de plus qu'en 2014, selon un rapport de l'agence fédérale rendu public mardi.

De ce nombre, 48 % avaient pour cible une certaine race ou origine ethnique. Les communautés noires ont été les plus durement touchées, subissant 17 % du nombre total de crimes haineux au pays.

«Ça se passe ici et ce n'est pas à cause de l'élection de Donald Trump aux États-Unis», a souligné Chelby Daigle, auteure d'un essai sur le racisme envers les Noirs à Ottawa.

«Il faut commencer à s'intéresser à l'âge des auteurs de ces crimes haineux. Ce sont des jeunes de 18 ans qui s'en prennent à d'autres jeunes.»

«Il doit y avoir de la sensibilisation», a renchéri Mark Zarecki, directeur d'un organisme qui vient en aide aux familles juives.

«La cause de ces crimes est l'ignorance, a-t-il continué. Les jeunes ne sont pas en contact avec les groupes qu'ils persécutent. Ils doivent se rencontrer.»

Les musulmans, de plus en plus visés

La haine d'une religion a motivé 35 % de l'ensemble des crimes haineux. Les autorités ont enregistré 469 infractions au Code criminel du Canada de ce type en 2015. Celles perpétrées contre les musulmans se chiffraient à 159 incidents - une hausse de 61 % par rapport à l'année précédente.

La population juive est néanmoins demeurée la communauté religieuse la plus durement touchée, alors que 13 % de l'ensemble des crimes haineux l'ont frappée - contre 12 % du côté des musulmans.

Or, seuls 10 % des Canadiens pratiquent une religion autre que le christianisme. Selon Statistique Canada, cette proportion devrait d'ailleurs pratiquement doubler d'ici une vingtaine d'années.

«C'était une année difficile pour la communauté musulmane, qui a souffert de la rhétorique politique durant l'élection fédérale, qui dépeignait les musulmans comme des terroristes, des sympathisants de terroristes ou comme étant contre les femmes», a indiqué Khalid Elgazzar.

Le NCCM demande au gouvernement fédéral de financer de façon permanente la collecte de données sur les crimes haineux pour obtenir un portrait plus fréquent de la situation et de s'attaquer au phénomène de la dissémination de la haine en ligne.

Il souhaite également que les municipalités et les corps de police financent des unités contre les crimes haineux, s'assurent que les policiers obtiennent la formation nécessaire pour intervenir et produisent des rapports annuels.

Le NCCM soutient que des plaintes pour crime haineux ne sont pas toujours prises au sérieux par les corps policiers.

L'organisme appelle les trois ordres de gouvernement - fédéral, provincial, municipal.

«Je suis tout à fait disposé à étudier leurs suggestions sur la façon dont nous pouvons mesurer cet enjeu de façon précise, et s'il s'avère qu'il y a des défaillances, je voudrais certainement les rectifier», a répondu le ministre fédéral de la Sécurité publique, Ralph Goodale.

Il rappelé que le gouvernement a déjà plusieurs initiatives pour s'attaquer au racisme et à la discrimination par l'entremise de son ministère et de Patrimoine canadien.

Une hausse quasi généralisée

À l'exception de deux provinces, une progression du nombre de crimes haineux a été observée à travers le pays. L'Alberta a connu une hausse particulièrement prononcée, avec 54 cas de plus qu'en 2014, de même qu'une détérioration globale de ses statistiques sur la criminalité. Près de la moitié des crimes haineux perpétrés au Canada sont survenus en Ontario, qui en a toutefois enregistré une légère baisse.

Les trois régions métropolitaines les plus peuplées - Toronto, Montréal et Vancouver - ont été le théâtre de 43 % des crimes haineux déclarés par la police. Les agents de Montréal avaient d'ailleurs fait état de 39 incidents de plus que l'année précédente, dont 20 crimes contre les musulmans.

«Le nombre de crimes haineux figurant dans la présente diffusion constitue probablement une sous-estimation du véritable nombre de crimes motivés par la haine au Canada, puisque ce ne sont pas tous les crimes qui sont signalés à la police», a précisé Statistique Canada.

Propension à la violence contre la communauté LGBT

Bien que leur nombre ait fléchi, représentant 11 % de l'ensemble des crimes haineux en 2015, les délits ciblant une orientation sexuelle étaient plus susceptibles d'être à caractère violent, c'est-à-dire dans près de 6 cas sur 10. Ces crimes étaient d'ailleurs plus souvent commis par une connaissance ou un proche de la victime, soit près d'une fois sur deux.

À titre de comparaison, les crimes motivés par la haine d'une religion, eux, n'étaient violents que dans 24 % des cas.

Les infractions violentes peuvent se traduire par des menaces et des voies de fait, tandis que les autres prennent la forme de vandalisme ou d'encouragement au génocide par exemple.