Les suramendes compensatoires imposées obligatoirement depuis 2013 à toute personne condamnée constituent-elles une peine disproportionnée pour certains contrevenants démunis ? C'est à cette question que la Cour suprême devrait répondre si elle accepte d'entendre le pourvoi d'Alex Boudrault, un sans-abri condamné à trois ans de prison pour différents délits et à une suramende de 1400 $.

Après une défaite mitigée à deux juges contre un en Cour d'appel, en novembre dernier, l'avocat de M. Boudrault, Yves Gratton, s'adresse à la Cour suprême dans l'espoir de trancher l'aspect constitutionnel des suramendes compensatoires. Cet avocat de l'aide juridique considère que le fait d'enlever aux juges la discrétion d'imposer ou non ce type d'amende enfreint l'article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés quand le contrevenant est démuni. Cet article a trait aux peines « exagérément disproportionnées ».

AMENDES POUR TOUS

Les suramendes compensatoires sont des amendes qui s'ajoutent à toute peine imposée aux contrevenants, qu'ils soient riches ou pauvres. Le principe n'est pas nouveau, puisqu'il a été établi en 1989. Mais voilà, auparavant, s'il le jugeait à propos, le juge pouvait exempter un accusé de payer cette suramende. Le problème, c'est que la dispense est devenue monnaie courante et que l'argent n'entrait pas assez dans les coffres, selon des études. En 2013, en raison de nouvelles dispositions adoptées sous le gouvernement Harper, la suramende compensatoire est devenue inéluctable.

CRÉATIFS

En désaccord avec les nouvelles dispositions, certains juges ont trouvé des moyens créatifs pour en neutraliser les effets. Le ministère public a porté ces décisions en appel. En avril dernier, la Cour d'appel a donné raison au ministère public, et a conclu que les suramendes étaient des peines minimales et qu'elles devaient être imposées à tous. Ce jugement a réglé un aspect du problème. L'aspect constitutionnel restait à débattre. C'est le cheval de bataille de M. Boudrault et de son avocat.

APPEL REJETÉ

En novembre dernier, dans une décision partagée, les juges Robert M. Mainville et Mark Schrager ont rejeté l'appel de M. Boudrault, tandis que la juge en chef, Nicole Duval Hesler, l'aurait accueilli en partie. Selon cette dernière, le fait d'enlever le pouvoir discrétionnaire du juge est inconstitutionnel.

Cette dissidence donnera-t-elle du poids à la demande d'autorisation de M. Boudrault ?

Me Éric Dufour, avocat au contentieux du ministère de la Justice qui a piloté le recours en Cour d'appel, admet que c'est une possibilité. Me Dufour fait partie des juristes de l'État, qui sont en grève depuis l'automne. Il va quand même se remettre à la tâche pour s'adresser à la Cour suprême d'ici le 3 mars. « C'est un service essentiel », a indiqué Me Dufour.

LA SURAMENDE COMPENSATOIRE EN BREF

• Le coût est de 30 % du coût d'une amende, qui s'ajoute à celle-ci (quand il y en a une).

• Le coût est de 100 $ par accusation portée par voie sommaire.

• Le coût est de 200 $ par accusation portée par acte criminel.

• Plus il y a d'accusations pour lesquelles un contrevenant est déclaré coupable, plus la facture est importante.

• Le contrevenant sans le sou peut obtenir un délai pour payer, ou s'acquitter de la suramende compensatoire en faisant des travaux communautaires. Celui qui ne veut faire ni l'un ni l'autre peut faire de la prison.

• Les sommes recueillies servent à financer des programmes d'aide aux victimes d'actes criminels.