Les mandats demandés par le Service de police de la Ville de Montréal à des juges de paix sont pratiquement toujours acceptés. Pas moins de 98,6 % des mandats ont été autorisés au cours des trois dernières années, a révélé l'état-major du SPVM, lors d'une rencontre à huis clos devant la Commission de la sécurité publique de la Ville de Montréal portant sur les procédures policières adoptées lors d'enquêtes dans lesquelles apparaissent des journalistes.

Cette commission présidée par Anie Samson, vice-présidente du comité exécutif et alliée du maire Denis Coderre, avait été mandatée par la Ville, le 1er novembre, pour se pencher sur les « procédures et critères » suivis par le SPVM pour l'obtention de mandats judiciaires à l'endroit de journalistes, dans la foulée de l'affaire Lagacé et de l'espionnage des journalistes par le service de police.

La direction du SPVM a ainsi dû justifier devant cette commission ses procédures adoptées lors d'enquêtes touchant des journalistes. Durant cette rencontre, un inspecteur-chef a fait une présentation PowerPoint qui a satisfait la majorité des commissaires, favorables au maire Coderre, à l'exception de l'opposition officielle. Le directeur du SPVM Philippe Pichet était alors présent avec trois de ses assistants directeurs.

Les commissaires ne formulent aucune recommandation « à l'égard des processus et critères suivis par le SPVM » dans leur rapport rendu public, hier, parmi une masse de 4000 pages de documents en vue de la séance du conseil municipal de lundi prochain. La commission a ainsi été « rassurée et satisfaite par la qualité et la rigueur des processus existants au SPVM dans le cadre d'enquêtes touchant des journalistes ». Les moyens d'enquête du SPVM sont « proportionnels aux enjeux soulevés par les enquêtes », ajoute-t-on.

L'an dernier, les juges de paix magistrats ont autorisé 1978 des 2013 mandats et ordonnances demandés par le SPVM, soit 98,26 %. En 2013, ce sont 99,2 % des mandats qui avaient été accordés.

Pour les commissaires, ce taux très élevé d'autorisation « témoigne, à première vue, de la reconnaissance par le juge de la rigueur avec laquelle les enquêtes sont menées et de la pertinence des mandats réquisitionnés ». Or, selon le rapport minoritaire de la commission, les commissaires escamotent la possibilité d'un « biais institutionnel de la part des juges de paix magistrats en faveur des demandes provenant des forces policières », comme l'évoque le récent rapport du Comité de la rémunération des juges du ministère de la Justice.

EN DÉSACCORD

Dans son rapport minoritaire, le vice-président de la commission Alex Norris fustige les conclusions des commissaires.

« La commission n'a entendu qu'une seule version des faits, celle du SPVM lui-même. Aucun expert externe, aucun représentant du milieu journalistique, aucun observateur impartial n'ont été entendus sur ces questions par la commission », dénonce l'élu de Projet Montréal.

Le « seul but » du mandat de la commission était de « donner l'impression que l'administration du maire Coderre agissait face à une crise médiatique découlant des révélations fort troublantes concernant le SPVM et des gestes posés par le maire », plaide le rapport minoritaire. L'opposition officielle déplore que la commission n'ait obtenu aucun élément pour « mieux comprendre les circonstances dans lesquelles des méthodes d'enquête très intrusives ont été déployées par le SPVM contre des journalistes ».

Rappelons que le SPVM a obtenu depuis 2014 une série de mandats de surveillance à l'endroit, notamment, du chroniqueur Patrick Lagacé et du journaliste Vincent Larouche, de La Presse. Tous ces mandats avaient été autorisés par une juge de paix.

- Avec Daphné Cameron, La Presse