Les pompiers d'un important village du Grand Nord québécois « ignoraient les règles de base de leur métier » au moment d'intervenir lors d'un incendie qui a coûté la vie à un bébé et à sa grand-mère l'an dernier, selon la coroner chargée de l'enquête.

Leurs morts auraient pu être évitées, croit Andrée Kronström, qui montre du doigt l'absence totale de pompiers certifiés autour du brasier. La coroner formule des recommandations en conséquence.

« Les pompiers [du village de Puvirnituq] ne connaissant pas bien le fonctionnement de leur masque à oxygène, ils ont perdu du temps précieux », a écrit Andrée Kronström dans deux rapports obtenus par La Presse

« De plus, ils ne savaient pas comment ajuster le débit des boyaux d'incendie. L'absence du chef des pompiers a provoqué une intervention désordonnée », peut-on lire dans le rapport de la coroner Andrée Kronstöm.

Younie Ilimasaut, 8 mois, et Younie Alasuak, 48 ans, sont mortes lorsque leur logement - que Mme Kronström décrit comme « surpeuplé », avec six enfants et un nombre inconnu d'adultes - a pris feu en pleine nuit, le 17 juin 2015.

Elles sont mortes en inhalant de trop grandes quantités de fumée. Mme Alasuak souffrait de problèmes respiratoires et avait consommé de l'alcool. « L'état d'intoxication de l'ensemble des adultes » aurait d'ailleurs aussi contribué au drame, selon la coroner.

Puvirnituq, un village de près de 2000 personnes, n'est relié par la route à aucune autre communauté.

INTERVENTION CHAOTIQUE

Les premiers pompiers sont rapidement arrivés sur place, mais l'intervention a été chaotique, selon la coroner Kronström. « Sept pompiers étaient présents au début, puis dix, bien que les quatorze pompiers [du village] auraient dû être déployés pour un feu de cette ampleur, indique son rapport. On ignore pourquoi quatre pompiers n'ont pas participé à l'intervention. » Au nombre des absents : le chef démissionnaire du département, le seul à avoir reçu la formation de base « pompier I ».

Parce qu'ils ne savaient pas utiliser les masques à oxygène, les hommes n'ont pu aller secourir la petite Younie Ilimasaut à temps à l'étage de la maison.

« Ils avaient tout l'équipement récent, opérationnel et en nombre suffisant. Donc l'équipement était là, mais la formation n'était pas au rendez-vous, et puis la coordination qui est nécessaire dans un combat contre un incendie n'était pas là non plus », dit la coroner Andrée Kronström, en entrevue téléphonique.

En entrevue avec le journal local Nunatsiaq News le mois suivant le drame, celui qui venait d'être nommé comme chef pompier en arrivait à la même conclusion : « Ils avaient tout l'équipement nécessaire, mais personne ne savait comment l'utiliser », avait expliqué Tiivi Qumaaluk. Il cible aussi les deux mêmes pierres d'achoppement : l'utilisation des boyaux et des appareils respiratoires.

La Presse n'a pas pu le joindre, hier. L'Administration régionale Kativik (ARK), le gouvernement local dont dépendent les services de pompier du Grand Nord, n'avait pas rappelé au moment de publier.

FORMATIONS SUR PLACE

Afin d'éviter d'autres drames du genre, Andrée Kronström a recommandé au gouvernement régional de continuer ses efforts pour la mise en place d'un « nouveau centre de formation pratique dans le Nord ». C'est qu'actuellement, tous les pompiers du Québec reçoivent leur formation pratique à Blainville, et ceux du Grand Nord ne seraient « pas enclins » à s'y rendre.

L'ouverture de ce centre est prévue au printemps 2017.

Mme Kronström a aussi demandé au gouvernement régional de « prendre les mesures nécessaires » afin que tous ses pompiers suivent la formation pratique obligatoire.