L'ancien organisateur du Parti libéral du Canada Jacques Corriveau, reconnu coupable par un jury le mois dernier de trois chefs d'accusation liés au scandale des commandites, en appelle du verdict.

En plaidant l'arrêt Jordan de la Cour suprême, ses avocats soutiennent que le juge de première instance aurait dû ordonner l'arrêt des procédures avant même l'ouverture du procès, plus tôt cet automne.

Le plus haut tribunal du pays a fixé à 18 mois la période raisonnable qui peut s'écouler entre le dépôt des accusations et le début du procès proprement dit en Cour provinciale - et à 30 mois en Cour supérieure -, sauf exception et en règle générale. Jacques Corriveau avait été formellement accusé en décembre 2013.

Ses avocats soutiennent qu'il aurait dû bénéficier du seuil de 18 mois même si son procès a été entendu en Cour supérieure, car il s'agissait d'un acte d'accusation sans enquête préliminaire. Le juge Jean-François Buffoni avait rejeté la requête, en octobre.

En plus de l'appel fondé sur l'arrêt Jordan, les avocats de M. Corriveau ont aussi déposé une requête distincte pour en appeler en vertu d'autres motifs. Cet appel doit d'abord être autorisé par le tribunal. Une première audience a été fixée à lundi prochain.

Les crimes ont été commis de 1997 à 2003, dans le cadre du scandale des commandites. Le gouvernement libéral de Jean Chrétien tentait alors d'augmenter au Québec la visibilité du gouvernement fédéral, au lendemain d'une très courte victoire du Non lors du référendum sur la souveraineté en 1995. Ce scandale a finalement renvoyé les libéraux dans l'opposition en 2006.

Lors de son procès, on a appris que M. Corriveau, un proche de Jean Chrétien, avait touché environ 7 millions de dollars en pots-de-vin pour des contrats accordés à des amis libéraux, qui versaient aussi des contributions au parti. Jacques Corriveau, aujourd'hui âgé de 83 ans, a été reconnu coupable de fraude, de faux document et de blanchiment des produits de la criminalité.

Le juge Buffoni n'a pas encore statué sur la peine à lui imposer. La Couronne recommande de trois à cinq ans de prison, alors que la défense espère une peine à purger dans la communauté, étant donné l'âge de M. Corriveau et les longs délais. Les parties reviennent devant le juge Buffoni mercredi pour discuter de la façon dont on séparera les actifs de M. Corriveau afin de rembourser les sommes volées aux contribuables.

Le gouvernement libéral de Paul Martin avait mis sur pied une commission d'enquête, présidée par le juge John Gomery, pour faire la lumière sur ce scandale; Jacques Corriveau y avait témoigné en 2005. Dans son rapport, le juge Gomery concluait que «M. Corriveau était l'acteur central d'un dispositif bien huilé de pots-de-vin qui lui a permis de s'enrichir personnellement et de donner de l'argent et des avantages» au Parti libéral du Canada au Québec.

«M. Corriveau n'est pas un témoin crédible et donne l'impression d'avoir choisi de se réfugier dans l'oubli pour éviter de dire la vérité, écrivait le juge Gomery. Son souci de nier les faits et d'induire la Commission en erreur est devenu apparent à mesure qu'il témoignait.»