La Poursuite doit limiter le nombre d'accusés dans les mégaprocès et se concentrer principalement sur les criminels les plus impliqués. La Commission des services juridiques doit examiner des moyens à mettre en place pour mieux contrôler l'exécution de mandats d'aide juridique accordés aux avocats de la Défense. Il s'agit là de deux des 51 recommandations du rapport de Me Michel Bouchard sur la gestion des mégaprocès au Québec. Intitulé Pour que le procès se tienne et se termine, il comporte 180 pages et a été rendu public ce matin.

Rappelons que le Ministère de la Justice a donné le mandat à Me Michel Bouchard d'examiner la gestion des mégaprocès à la suite de l'arrêt des procédures prononcé en octobre 2015 en faveur de cinq membres en règle des Hells Angels de Sherbrooke qui subissaient leur procès dans le cadre de l'opération SharQc.

Depuis janvier dernier, Me Bouchard et ses adjoints ont tenu 33 réunions de travail et rencontré 92 représentants de corps de police, juges, avocats et autres acteurs du système judiciaire.

Plus de budget

Parmi ses autres recommandations, le groupe de travail propose que le Conseil du trésor reconnaisse l'importance de fournir au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) les ressources nécessaires pour bien lutter contre la criminalité organisée et la création d'un forum permanent de discussion pour identifier les changements à apporter chez toutes les parties impliquées dans les mégaprocès.

Le comité recommande également que les futurs juges des mégaprocès se servent davantage de leurs pouvoirs, qu'ils soient choisis selon leur profil et non leur disponibilité, qu'ils décident du district où aura lieu le mégaprocès et qu'ils soient assistés par des juristes et des techniciens, étant donné l'ampleur des dossiers.

L'une des recommandations propose que le DPCP rende obligatoire pour tous les corps policiers et autres organismes chargés de la lutte au crime organisé, le recours à des logiciels particuliers de traitement de l'information et à des formats de fichiers spécifiques pour la communication de la preuve.

Quelques recommandations concernent l'encadrement des jurés dans les mégaprocès, notamment l'augmentation des compensations financières qui leur sont versées.

Le comité recommande également qu'un conseiller juridique connaissant le notariat intervienne dans la préparation des contrats entre l'État et les témoins collaborateurs et que l'École nationale de police mette sur pied une formation spécifique sur les enquêtes contre la criminalité organisée.

Le rapport recommande aussi qu'un volet de confiscation des produits de la criminalité « soit systématiquement envisagé » en parallèle ou en lieu et place des poursuites criminelles déposées contre les accusés, et que tous les intervenants impliqués s'assurent de la disponibilité de tous les participants jusqu'à la fin du processus judiciaire.

Enfin, Me Bouchard et son équipe proposent au DPCP de créer une fonction de « gestionnaire » de la poursuite, et d'élaborer un protocole et un plan de poursuite dans chaque mégaprocès.

Par voie de communiqué, le DPCP annonce qu'il accueille favorablement les recommandations émises par le comité de Me Bouchard et qu'il entend se consacrer dès maintenant à la mise en oeuvre de celles qui le concernent. Le DPCP, qui qualifie l'analyse de « franche et étoffée », entend également travailler en collaboration avec les autres organismes visés par le rapport pour la mise en oeuvre des recommandations qui ne le visent pas spécialement.

«C'est un rapport excessivement sérieux qui s'adresse à toutes les facettes des méga-procès» a de son côté réagi Me Danièle Roy, présidente de l'Association des avocats de la Défense. La criminaliste retient plusieurs recommandations, notamment celles portant sur l'amélioration de la divulgation de la preuve, une meilleure formation et expérience des procureurs de la Couronne, et l'idée d'une encontre à huis clos avant le début des procédures visant à permettre aux avocats de la Défense de prendre connaissance de la preuve accumulée contre leurs clients.

«Le rapport ne permettra peut être pas de régler tous les problèmes mais c'est un excellent point de départ», dit-elle.

En ce qui concerne les réactions des corps de police, la Sureté du Québec a indiqué vouloir d'abord prendre connaissance du volumineux rapport avant de le commenter, le cas échéant.

Rappelons toutefois qu'à la suite de la fin abrupte du procès SharQc, la Directrice des poursuites criminelles et pénales, Me Annick Murphy, a aussi commandé une enquête administrative sur la gestion spécifique des super procès SharQc. Cette enquête est terminée mais le contenu n'a pas encore été rendu public.