Quarante-sept ans plus tard, le défi semblait presque surhumain. Mais pas à pas, pièce par pièce, la police de Los Angeles continue de progresser dans son enquête sur le meurtre de Reet Jurvetson, cette Montréalaise tuée de 150 coups de couteau en 1969 et identifiée seulement l'an dernier par un test d'ADN.

Les détectives responsables du dossier disposent maintenant d'une adresse et du portrait de deux hommes que Reet serait allée rejoindre à Los Angeles et qui sont aujourd'hui activement recherchés. À nouveau, la police demande l'aide du public pour dissiper un peu plus du mystère enveloppant le sort de celle qui fut connue pendant des décennies comme Jane Doe #59.

« Ce serait merveilleux s'il y avait une percée qui permettrait à la police de découvrir ce qui est arrivé dans les dernières semaines de la vie de Reet », plaide sa soeur aînée, Anne Jurvetson.

Le corps ensanglanté de la femme de 19 ans a été retrouvé en novembre 1969 par un passant dans des buissons bordant Mulholland Drive. La jeune femme venait à peine de déménager aux États-Unis.

La victime n'avait aucune pièce d'identité. Elle portait un jeans de marque Levis fait à Boston, des bottes italiennes et un manteau de velours côtelé bleu fabriqué à Montréal. À l'époque, la nouvelle du meurtre ne s'est pas rendue jusqu'au Québec. L'affaire a été classée comme non résolue. Pendant ce temps, au Québec, les Jurvetson cherchaient en vain la cadette de la famille.

Puis, l'été dernier, près de 50 ans après le crime, un ami de la famille est tombé par hasard sur l'image du cadavre d'une brune aux yeux verts ressemblant en tout point à la disparue, sur un site américain de personnes disparues non identifiées. Quelques mois plus tard, un test d'ADN confirmait le pire.

CONNAISSEZ-VOUS CES HOMMES ?

Depuis, les enquêteurs du Los Angeles Police Department (LAPD) avancent à pas de tortue. Mais ils avancent. Hier, ils ont dévoilé les portraits-robots de deux hommes qui son considérés comme des « personnes d'intérêt ».

Un des dessins montre un jeune homme aux airs de Jim Morrison, cheveux longs et foncés, visage poupin et lèvres charnues. Il représente un dénommé Jean, ou John, un Montréalais qui aurait été le copain de Reet à l'époque de sa mort. C'est lui qu'elle serait allée rejoindre à L.A. La police n'a pas d'autre indice que son prénom et sa description physique. Ce qu'il est devenu depuis 50 ans reste un mystère.

L'auteur du dessin est l'artiste montréalais Paul Robert, qui connaissait la victime et son amoureux avant leur départ pour les États-Unis. La Presse l'avait retrouvé en mai après que le LAPD eut lancé un avis de recherche.

À la fin des années 60, le couple fréquentait le café Image sur l'avenue du Parc, Mecque des hippies, où M. Robert travaillait comme serveur. «   [Jean] était toujours propre. Il portait une belle veste en jeans et une chemise blanche avec ses longs cheveux qui lui tombaient sur les épaules », avait confié en mai le témoin à La Presse.

L'autre dessin montre un jeune homme coiffé « à la Beatles ». Selon la police, il était plus petit que Jean. Lui aussi aurait été un ami de Reet et aurait pu se trouver à Los Angeles à l'époque du meurtre. « L'associé n'a pas été officiellement identifié, mais lui aussi, pourrait être prénommé Jean », précise le LAPD dans un avis de recherche. « Des témoins pourraient se rappeler les avoir vus ensemble », espère la police californienne.

LE 5311, MELROSE AVENUE

Qu'a fait Reet avant de mourir ? Les dernières nouvelles qu'a eues la famille avant le meurtre sont arrivées à la maison familiale de Westmount par une carte postale à l'automne 1969. Une carte dont Anne Jurvetson, la seule membre de la famille encore vivante, se souvenait vaguement et qu'elle a cherchée et cherchée dans les boîtes d'objets ayant appartenu à sa défunte mère et qui s'empilent dans son sous-sol.

Elle l'a finalement trouvée au mois d'août. On y voit une photo de la plage de Malibu et un tendre message écrit en estonien, la langue de ses parents. Dessus, il y a aussi une adresse.

« Je n'en croyais pas mes yeux, a raconté la femme à La Presse. J'ai pleuré et sangloté pendant plus d'une heure. J'étais tellement submergée par l'émotion. Enfin, nous avons une adresse concrète où Reet a habité à Los Angeles. »

La jeune femme vivait à Hollywood, au Paramount Hotel, 5311, Melrose Avenue, à deux pas des installations de la société de production de films Paramount Pictures. Reet habitait l'appartement 306 du grand immeuble de briques de quatre étages, où plusieurs artisans du monde du cinéma ont résidé au cours des années 30 et 40, dont l'acteur de films western Bud Osborne. L'édifice a été démoli en 1989.

« J'espère vraiment que cette adresse, ou le nom de l'immeuble ou le fait qu'il donnait sur Paramount Studios, ravivera la mémoire de quelqu'un, dit Anne Jurvetson. Je prie pour que quelqu'un se rappelle avoir vécu là et rencontré ma soeur. Ou même que quelqu'un de Montréal, qui connaissait les deux amis qu'elle allait voir, se souviendra d'eux parce qu'ils vivaient là. »

Vous avez de l'information dans cette affaire ? Contactez-nous.

Pour joindre les détectives Luis Rivera et Veronica Conrado à l'unité des crimes non résolus du LAPD : 213 486-6818.

Image fournie par le Los Angeles Police Department

Les enquêteurs du Los Angeles Police Department ont dévoilé hier les portraits-robots de deux hommes qui sont considérés comme des « personnes d'intérêt ». Cet homme aurait été un ami de Reet Jurvetson et aurait pu se trouver à Los Angeles à l'époque du meurtre.

Image fournie par le Los Angeles Police Department

Les enquêteurs du Los Angeles Police Department ont dévoilé hier les portraits-robots de deux hommes qui sont considérés comme des « personnes d'intérêt ». Ce dessin représente un dénommé Jean, ou John, un Montréalais qui aurait été le copain de Reet à l'époque de sa mort.

PRÈS DE 50 ANS DE MYSTÈRE

Automne 1969

Reet Jurvetson envoie une carte postale à ses parents à Montréal. « Le temps est beau et les gens sont gentils. J'ai un joli petit appartement. Je vais souvent à la plage », écrit-elle. La famille ne recevra plus jamais de nouvelles.

Novembre 1969

Un passant découvre le corps ensanglanté d'une jeune femme dans des buissons bordant Mulholland Drive. La victime, poignardée au moins 150 fois, n'a aucune pièce d'identité. L'affaire est classée comme non résolue. Pour la police, elle devient Jane Doe #59.

2003

Un enquêteur du LAPD met en ligne des portraits de Jane Doe #59 réalisés par des artistes à partir de la dépouille. L'unité des crimes non résolus de la police de Los Angeles, qui détient environ 9000 dossiers de meurtres non élucidés sur son territoire depuis les années 60, utilise de temps en temps cette technique pour réactiver des enquêtes.

Juin 2015

Un ami de Reet tombe par hasard sur l'image du cadavre d'une brune aux yeux verts ressemblant en tout point à la disparue sur un site américain de personnes disparues et non identifiées. L'ami prend contact avec la famille. Un test d'ADN confirme que c'est le corps de Reet qui a été retrouvé en 1969.

Mars 2016

Les policiers du LAPD Luis Rivera et Veronica Conrado passent cinq jours à Montréal pour rencontrer des témoins. Ils tentent d'établir un lien entre Reet et un homme qu'elle aurait rencontré à Montréal, « Jean » ou « John ». « Nous savons qu'elle est venue à Los Angeles pour rejoindre cet homme. Si quelqu'un connaît cette personne ou se souvient d'elle, c'est le genre d'information dont nous avons besoin pour redémarrer l'enquête », dit le détective Rivera.

Mai 2016

Les enquêteurs du LAPD cherchent un dénommé Paul Robert, un artiste de rue qui serait âgé entre 60 et 80 ans. La police croit que son témoignage pourrait faire débloquer l'enquête. Il n'est pas considéré comme un suspect dans cette affaire.

Mai 2016

La Presse retrouve Paul Robert, qui accepte de partager ses souvenirs. Il se rappelle très bien la jeune Reet qui fréquentait le café Image, où il travaillait comme serveur sur l'avenue du Parc. Il se souvient aussi de son copain, un sosie de Jim Morrison. Sa description correspond à celle d'un homme que Reet serait allée rejoindre en Californie et qui est considéré comme une « personne d'intérêt » par la police.

Septembre 2016

Le LAPD diffuse deux portraits-robots de « personnes d'intérêt » dans l'affaire Jurvetson. Les détectives demandent l'aide du public pour les identifier. Le LAPD dévoile aussi la dernière adresse connue de Reet Jurvetson, qui vivait avant sa mort au Paramount Hôtel de Hollywood, à quelques pas des studios de cinéma Paramount.