Une juge du Manitoba a confié, mercredi, qu'elle avait d'abord été choquée par les commentaires faits par un magistrat de l'Alberta à l'endroit d'une présumée victime d'agression sexuelle, mais qu'elle avait tout de même accepté de lui servir de mentor.

Deborah McCawley est la seule personne à avoir témoigné, mercredi, dans le cadre d'une audience du Conseil canadien de la magistrature (CCM) au sujet du juge Robin Camp, qui a demandé à la plaignante d'un procès pour agression sexuelle en 2014 pourquoi elle n'avait pas gardé ses genoux ensemble afin d'empêcher son assaillant de l'agresser. Un comité du CCM doit déterminer si le magistrat peut continuer à exercer sa profession.

Mme McCawley a raconté qu'elle avait hésité à agir comme mentor pour M. Camp, un homme blanc originaire d'Afrique du Sud et âgé à l'époque de 63 ans, craignant que l'exercice ne constitue une perte de temps et d'argent pour lui.

Mais elle a dit avoir ensuite compris qu'elle portait un jugement prématuré sur le magistrat, une attitude qu'elle avait pourtant passé sa carrière à combattre. La juge a donc décidé de faire confiance à son instinct, qui semblait indiquer que le sexagénaire était sincère dans sa démarche, et a affirmé n'avoir plus jamais eu de doute par la suite.

Les propos tenus par Robin Camp alors qu'il était magistrat à la Cour provinciale de l'Alberta à Calgary il y a deux ans ont mené la Cour d'appel de l'Alberta à ordonner un nouveau procès pour l'homme qu'il avait acquitté dans cette affaire.

Les transcriptions des débats judiciaires montrent que le magistrat avait exprimé des doutes concernant la moralité de la demanderesse, en plus d'avoir laissé entendre qu'elle n'avait pas vraiment tenté de repousser son agresseur. Il l'a également appelée «l'accusée» pendant tout le procès.

Il lui a aussi demandé pourquoi elle n'avait pas gardé les genoux ensemble, et ajouté que la douleur et le sexe allaient parfois de pair.

Mardi, la jeune femme avait révélé durant l'audience du comité du CCM que les remarques du juge Camp l'avaient poussée à se détester elle-même et qu'elle avait songé au suicide à la suite de cette expérience.

Né en Afrique du Sud, Robin Camp a travaillé dans le domaine de l'aide juridique avant d'émigrer à Calgary en 1998 où il a concentré sa pratique sur le droit relatif aux contrats, aux faillites et aux fiducies ainsi que sur les litiges dans le secteur du pétrole et du gaz naturel.

Il a été nommé juge à la Cour provinciale de l'Alberta en 2012 sans toutefois recevoir de formation sur le droit en matière d'agression sexuelle ou sur la manière de mener un procès pour agression sexuelle.

«Ce qu'il a appris à l'école de droit ne lui permettait pas de faire beaucoup de choses», a commenté Deborah McCawley, qui a souligné que les procès pour agression sexuelle étaient difficiles à gérer, et ce, même pour les juges expérimentés.

Elle a assuré que M. Camp était ouvert à apprendre de nouvelles choses, qu'il n'était pas un misogyne et qu'elle était encore surprise de ce que contenaient les transcriptions du procès, qui ne semblaient pas correspondre à l'homme qu'elle avait fini par découvrir.

Le comité présentera ses recommandations au CCM. Si ce dernier estime que Robin Camp doit être démis de ses fonctions, il soumettra ses conclusions à la ministre fédérale de la Justice à qui reviendra la décision définitive.