D'après un inventaire récent de l'Ordre des médecins vétérinaires, presque la moitié des municipalités québécoises interdisent déjà les pitbulls sur leur territoire, a appris La Presse. L'Ordre des médecins vétérinaires préconise toutefois une autre approche.

L'inventaire - effectué après l'attaque mortelle de Pointe-aux-Trembles  - révèle que 48 % des localités ont choisi cette voie - « une proportion beaucoup plus importante » que ne l'anticipait l'Ordre.

Dans une liste de neuf recommandations, que La Presse a obtenue, l'organisme conseille toutefois au gouvernement d'adopter une tout autre approche. Cette liste a été envoyée à Québec après le dépôt du rapport préliminaire de l'Ordre au comité ministériel sur l'encadrement des chiens dangereux.

Joël Bergeron, président de l'Ordre des médecins vétérinaires, assure pour sa part que la voie qu'il préconise représente un « virage majeur ».

« Ça fait 30 ans qu'on parle, mais on ne réussissait pas à saisir collectivement l'importance du problème. On doit tous admettre que les morsures de chiens peuvent être aussi dangereuses que les attaques au couteau », estime Joël Bergeron.

D'après lui, les tragédies récentes auraient pu être évitées. « C'était des cas connus sur lesquels personne n'est intervenu de façon sérieuse. »

Registre provincial et cours obligatoires

Si le gouvernement les adopte, quatre des neuf recommandations énoncées bouleverseraient les façons de faire. Il faudrait alors : 

1. Rapporter aux policiers - de façon obligatoire et uniforme - les morsures et les attaques de chiens.

2. Verser ces informations dans un registre provincial.

3. Interdire la possession de tout chien de plus de 20 kilos aux propriétaires d'animaux décrétés dangereux lorsqu'ils ne prennent pas les précautions exigées des autorités.

4. Imposer une formation aux propriétaires de chiens de plus de 20 kilos, mais seulement quand leur animal est « considéré [comme] potentiellement dangereux pour les enfants ».

Les maîtres apprendraient ainsi le langage canin et pourraient décoder les avertissements donnés par leur animal, pour éviter les tragédies à temps, expose M. Bergeron.

L'idée d'imposer des cours à tous les propriétaires de gros chiens séduit, mais est « utopique », dit une autre source à l'Ordre. Aucun chien ne serait par ailleurs considéré comme automatiquement dangereux parce qu'il est de tel poids ou de tel type. Le risque serait évalué grâce aux critères énoncés ci-dessous.

Un chien ayant mordu ou tenté de mordre un humain ou un animal ou ayant causé des « dommages importants » à des biens pourrait être carrément déclaré « dangereux ».

L'euthanasie ne serait pas automatique. Pour l'Ordre, on pourrait parfois se contenter d'imposer au chien la muselière dans les lieux publics ou en présence d'enfants, ainsi que la stérilisation et un cours d'obéissance spécial. Le chien devrait toujours être gardé à domicile, dans un enclos verrouillé, ou se promener au bout d'une laisse courte tenue par un adulte compétent. En outre, une affiche devrait informer le voisinage de la présence d'un chien dangereux.

L'Ordre recommande aussi le contrôle de l'élevage et de la vente d'animaux, l'enregistrement obligatoire de tous les chiens, une application plus stricte des règlements, des amendes sévères et une campagne de sensibilisation nationale.

Le registre provincial de chiens dangereux pourrait être tenu par un organisme sans but lucratif, imagine l'organisme.

Miser sur un encadrement sévère

« Puisque plusieurs chiens mordent parfois gravement, on préfère miser sur un encadrement sévère global. Faisons d'abord ce pas-là, l'approche de front. C'est déjà un énorme travail, plaide M. Bergeron. Si on se donne les moyens, je suis convaincu qu'on va obtenir des résultats sans cibler des races. »

« Si dans cinq ou dix ans, on constate que malgré ces efforts, ça ne s'améliore pas, il sera toujours possible de peaufiner le travail, en utilisant les outils qu'on se sera donnés. »

À lire demain dans La Presse+: Doit-on interdire les races ? Un débat enragé. Qu'en dit la science ?

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Extraits du document de l'Ordre des médecins vétérinaires : 

« Serait considéré comme potentiellement dangereux tout chien : 

• pesant plus de 20 kg ;

• dont le propriétaire a été sanctionné en vertu de la Loi sur le bien-être et la sécurité de l'animal ;

• ayant des problèmes de santé provoquant de la douleur et de l'inconfort ;

• dont le niveau de réactivité ou d'anxiété a été diagnostiqué [comme] élevé par un médecin vétérinaire ;

• considéré comme tel par un médecin vétérinaire spécialiste à la suite d'un test de tempérament et de dangerosité ;

• qui engendre une blessure à une personne ou un animal domestique moins grave qu'une blessure sévère ;

• qui pourchasse ou menace une personne ou un animal domestique de façon agressive sans provocation ;

• qui agit de manière très agressive alors qu'il est confiné à un enclos ou un terrain clôturé et apparaît en mesure de pouvoir sauter par-dessus la clôture ou s'échapper. »

« Pourrait être considéré comme dangereux tout chien : 

• qui tente de mordre ou d'attaquer, qui mord ou attaque, qui commet un geste susceptible de porter atteinte à la sécurité d'une personne ou d'un animal ;

• impliqué dans un ou plusieurs incidents menaçant la sécurité des autres animaux domestiques ou du public ;

• qui démontre des comportements agressifs sur la place publique ou à l'intérieur des limites d'une unité d'habitation, sans provocation, pourchasse ou menace un autre animal domestique ou un humain ou a provoqué des blessures mineures par ses agissements ;

• ayant provoqué des blessures sérieuses à un autre animal domestique ou à un humain ;

• ayant causé des dommages importants à une propriété privée ou publique ;

• déclaré comme tel après avoir subi une évaluation comportementale par un médecin vétérinaire ou un médecin vétérinaire spécialiste. »

Source : Position de l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec sur l'encadrement des chiens dangereux, Ordre des médecins vétérinaires du Québec