Deux agents correctionnels ont été agressés et blessés à la prison de Bordeaux la semaine dernière, a appris La Presse. Cet incident survient alors que des détenus d'un autre établissement viennent d'être reconnus coupables d'avoir sauvagement battu un nouveau prisonnier qu'ils refusaient d'accueillir dans leur secteur. Dans les deux cas, le syndicat montre du doigt la surpopulation des prisons québécoises.

Avant l'incident de la semaine dernière, le ministère de la Sécurité publique avait justement dévoilé de nouveaux chiffres qui faisaient état de trois gardiens de prison blessés sérieusement par des détenus dans les 19 établissements de détention provinciaux en 2015-2016, une légère hausse par rapport à l'année précédente.

L'événement le plus récent est survenu peu après midi le 28 juillet dernier, dans la cour du secteur A de la prison de Bordeaux, à Montréal.

Selon nos informations, tout a commencé lorsque deux gardiens ont avisé un détenu de 30 ans prétendument lié aux gangs de rue que son heure de sortie était terminée, qu'il devait remettre son chandail et prendre une douche avant de retourner à sa cellule. Au moment où les gardiens ont voulu menotter le détenu, ce dernier aurait asséné un coup de poing directement au visage de l'un des agents correctionnels.

Dans l'échauffourée qui a suivi, deux gardiens ont été blessés, dont un qui aurait eu un bras fracturé. Le suspect, un individu de la région d'Ottawa, a plusieurs antécédents criminels, en matière d'entrave au travail des policiers notamment, et n'en serait pas à ses premiers écarts de comportement en milieu carcéral.

FORMATION INSUFFISANTE

Alors qu'on a enregistré deux agressions de détenus contre des gardiens causant des blessures graves dans les prisons du Québec entre 2009 et 2012, on en a répertorié six entre 2013 et 2016, selon des chiffres du ministère de la Sécurité publique obtenus par La Presse grâce à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics.

Le Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec croit que la surpopulation fréquemment décriée dans les prisons québécoises est responsable d'au moins une partie de ces incidents. Il demande que ses membres soient mieux formés pour y faire face.

« Notre clientèle est de plus en plus lourde et l'employeur a coupé dans les formations en intervention physique. Auparavant, les gardiens en avaient deux par année. Maintenant, c'est seulement une. Nous avons également de la difficulté à avoir des mises à jour dans les formations, pourtant c'est primordial pour notre travail », déplore le président du syndicat, Mathieu Lavoie.

BATTU PAR UNE DIZAINE DE CODÉTENUS

Dans un autre dossier, des détenus de la prison de Rivière-des-Prairies viennent d'être reconnus coupables en Cour du Québec d'une violente agression contre un codétenu qui avait été transféré dans leur aile de l'établissement en raison de problèmes de surpopulation.

La victime est un charpentier-menuisier qui avait été incarcéré pour non-respect de ses conditions de mise en liberté. Il avait été envoyé à Rivière-des-Prairies le 28 février 2014 parce qu'il n'y avait plus de place pour lui dans sa région, à l'établissement de détention de Saint-Jérôme.

Le personnel lui a trouvé une place dans le secteur S3BG de la prison montréalaise, révèle la preuve entendue au procès. « Dans cette unité sont détenus des individus associés aux gangs de rue et tous sont, à l'époque, d'ascendance africaine », précise le juge Daniel Bédard dans sa décision. Le nouveau venu est blanc, comme deux autres codétenus transférés en même temps.

Les occupants du secteur leur font vite comprendre qu'ils ne veulent pas d'eux et les forcent à faire le ménage, avant d'assaillir le charpentier-menuisier en bande. Battue pendant 30 minutes à coups de pieds et de poings, frappée avec des conserves de thon glissées dans un bas, lacérée au visage par un bâton pointu, la victime a été gravement blessée. Ses agresseurs ont même tenté de sodomiser le détenu avec un balai.

Encore là, le syndicat trace un lien avec la surpopulation.

Au ministère de la Sécurité publique, la porte-parole Louise Quintin assure que l'origine ethnique ou la couleur de la peau n'est pas un critère de classement lors des transferts de prison, mais que « l'appartenance à une organisation criminelle ou terroriste, les besoins particuliers d'une personne, les antécédents criminels ou d'évasion, les accusations actuelles et les manquements disciplinaires sont tous des critères pris en compte et qui permettent d'établir un besoin d'encadrement sécuritaire à imposer à la personne incarcérée ».

Le Ministère affirme qu'il ne peut commenter les cas précis, mais qu'en général, « [le] personnel est formé pour contrôler, suivre et analyser tous les types de tensions possibles dans le quotidien des différents secteurs d'hébergement d'un établissement et d'apporter des changements, lorsque nécessaires ».

- Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse