La Ligue des droits et libertés et la Fédération des femmes du Québec demandent au premier ministre Philippe Couillard d'intercéder auprès du ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, pour leur permettre de mener une mission d'observation à l'établissement Leclerc, où des femmes sont maintenant détenues dans un même endroit que des hommes.

Au cours d'une rencontre avec la presse, mardi à Montréal, les deux groupes ont rapporté avoir déjà demandé au cabinet du ministre Coiteux de visiter les lieux et de s'entretenir de façon confidentielle avec les femmes détenues, mais avoir essuyé un refus.

Ce sont des raisons de sécurité qui auraient été évoquées pour justifier ce refus, a rapporté Lucie Lemonde, porte-parole de la Ligue des droits et libertés.

Mme Lemonde affirme ne pas comprendre ce motif, puisqu'elle est elle-même enseignante en droit carcéral et a «pendant des années emmené des classes entières visiter des pénitenciers, des prisons». Elle ajoute que des groupes de soutien et de religieuses peuvent aussi y entrer.

Mme Lemonde fait aussi valoir que sa mission d'observation serait composée de femmes seulement, comme des avocates, des professionnelles et des professeures d'université.

Ces groupes veulent se pencher sur les problèmes de mixité qui se posent à l'établissement Leclerc, depuis que des femmes y ont été transférées l'hiver dernier.

L'établissement Leclerc avait jadis été fermé par le fédéral, parce que jugé vétuste. Québec s'en est ensuite porté acquéreur parce que ses propres établissements étaient surpeuplés. Mme Lemonde s'inquiète donc des conditions de détention, après que divers témoignages de détenues eurent été rapportés dans des médias.

Présente à la rencontre de presse, Mélanie Martel, une avocate qui rencontre régulièrement les détenues, affirme que les contacts entre hommes et femmes sont fréquents, notamment dans la cour intérieure, à l'infirmerie, dans les couloirs lorsque des détenus masculins doivent se rendre à un autre endroit. Elle ajoute qu'il y a également des «contacts visuels» lorsque les femmes vont s'entraîner au gymnase et que les hommes les voient. «Je vous laisse imaginer les propos», a lancé l'avocate.

«Nous interpellons le premier ministre Couillard afin qu'il raisonne son ministre de la Sécurité publique Coiteux afin de mettre en place cette mission d'observation», a lancé Mélanie Sarrazin, présidente de la Fédération des femmes du Québec.

Mme Sarrazin attribue la situation aux politiques d'austérité du gouvernement Couillard, qui a jumelé les hommes et les femmes au sein d'un même établissement pour des raisons d'économies. «Ces femmes paient cher les frais des mesures d'austérité», a-t-elle critiqué.

Coiteux réplique

À Québec, le ministre Coiteux a répliqué qu'il avait déjà changé certaines choses. «Il y a déjà toute une série de correctifs qui ont été apportés» depuis que des lacunes ont été soulevées, au cours des derniers mois.

Pour ce qui est de la possibilité pour ces groupes de mener une mission d'observation, il s'est rangé derrière les lois et les règlements «qui prévoient qui peut accéder» à de tels établissements.

Il a conseillé aux plaignantes de s'adresser au Protecteur du citoyen, «la personne toute désignée pour s'occuper de toute question relative aux enjeux» qui sont soulevés.

Il a laissé entendre que, de toute façon, l'installation des détenues à l'établissement Leclerc n'était que transitoire. «Je ne pense pas que l'établissement Leclerc soit l'établissement à long terme. J'ai l'intention de proposer au gouvernement une solution à long terme», a-t-il indiqué, sans préciser.