En prenant les commandes de la Sûreté du Québec en octobre 2012, Mario Laprise a vite été informé qu'il se passait des choses avec le fonds secret. Il a trouvé «aberrant» que le négociateur Denis Despelteau ait été payé à même cette enveloppe.

«Il faut se remettre dans le contexte. Il y avait l'UPAC, la commission Charbonneau... Tu es dans la police, et tu contournes les règles de contrat. Je savais que Despelteau avait travaillé. Ce que je trouvais aberrant, c'est qu'on lui ait permis de travailler en contournant le règlement», a fait valoir Mario Laprise, qui témoignait hier au procès de Jean Audette.

Ce dernier, qui était directeur général adjoint aux enquêtes criminelles en 2012, est accusé de fraude et d'abus de confiance. On lui reproche d'avoir signé les formulaires qui ont servi à rémunérer Despelteau à même le fonds secret. Ce fonds de 25 millions par année est destiné à payer des dépenses liées à des enquêtes sensibles.

Denis Despelteau, un retraité de la Sûreté du Québec (SQ) qui travaillait comme consultant, était négociateur au Comité paritaire. Il n'était plus admissible à obtenir un contrat du gouvernement, parce qu'il devait de l'argent au fisc. Il a continué quand même, en étant cette fois rémunéré par le fonds secret. On a même appris, pendant le procès, que son salaire avait bondi de 50% avec cette méthode.

ENVELOPPE BRUNE

En arrivant à la tête de la SQ, M. Laprise voulait apporter des changements à son état-major. C'est dans ce contexte que quelqu'un à la SQ, qu'on décrit comme le «lanceur d'alarme» puisque son identité est protégée par une ordonnance de non-publication, lui a remis une «enveloppe brune». Celle-ci contenait des documents montrant que, deux ans plus tôt, des chèques provenant du fonds secret avaient été émis à des officiers de haut rang, juste avant leur retraite.

M. Laprise en a été fort surpris. Il a demandé à Jean Audette, qui s'occupait des dépenses, de sortir celles du fonds secret des quatre dernières années, car il voulait les examiner.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Jean Audette, ancien directeur général adjoint aux enquêtes criminelles à la Sûreté du Québec, en compagnie de son avocat Me Pierre Perras, au Palais de justice de Montréal.

L'ancien policier de la Sureté du Québec Denis Despelteau

M. Audette est revenu en disant que c'était difficile, car celle qui était responsable des documents était en congé de maladie. Il a remis un tableau, mais il n'y avait pas les documents originaux. Plus tard, M. Audette est tout de même revenu avec un document, en disant: «Tu l'aimeras pas bien bien, celui-là.»

Ça concernait la rémunération de Despelteau par l'entremise du fonds secret.

Le procès se poursuit aujourd'hui.

Rappelons que M. Audette est le premier des ex-officiers de haut rang de la SQ à être jugé pour fraude et abus de confiance en lien avec l'utilisation du fonds secret. L'ex-directeur général Richard Deschênes, Steven Chabot et Alfred Tremblay doivent être jugés plus tard. En ce qui concerne M. Despelteau, il a plaidé coupable à des accusations d'abus de confiance et de fabrication de faux en 2014, et a écopé de 15 mois à purger dans la collectivité.