Le nouvel organisme indépendant chargé d'enquêter sur les incidents impliquant des policiers n'est pas encore créé qu'il soulève déjà de vives critiques, et ce, pour des raisons diamétralement opposées.

La Ligue des droits et libertés, en compagnie d'autres organisations, a exprimé mercredi d'importantes réserves sur le projet de règlement qui encadre le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), tout comme l'Association des policiers provinciaux du Québec.

Au premier chef, la Ligue déplore que le règlement proposé permette aux policiers qui sont témoins de l'événement sans être directement impliqués de communiquer entre eux et qu'il ne prévoie aucune sanction pour le non-respect des obligations. Elle s'inquiète également du fait que le directeur du corps de police impliqué dans un incident soit responsable de sécuriser les lieux en attendant l'arrivée des enquêteurs du BEI, mais sans être sous leur autorité.

La coordonnatrice de la Ligue, Nicole Filion, estime également que le fait de limiter l'intervention du Bureau aux décès, aux blessures par arme à feu et aux blessures graves empêchera l'organisme d'enquêter sur d'autres incidents graves impliquant des policiers.

Parmi les autres organismes présents à la conférence de presse, la CSN a aussi déploré les limites d'intervention du BEI, faisant valoir que toute violence policière lors de manifestations serait exclue du regard des enquêteurs. La Coalition contre la répression et les abus policiers s'est pour sa part inquiétée du fait que les enquêteurs seraient probablement tous d'anciens policiers, présentant ainsi d'importants risques de conflit d'intérêts. De son côté, le Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal s'est interrogé sur l'absence de provisions entourant le traitement des personnes vulnérables et sans-abri.

Presque au même moment, l'Association des policiers provinciaux du Québec dénonçait par voie de communiqué ce qu'elle estime être des atteintes multiples aux droits des policiers, notamment l'absence de toute référence à la question de l'admissibilité en preuve des comptes rendus détaillés écrits qui devront être remis au BEI.

Le syndicat des policiers de la Sûreté du Québec fait valoir que de mettre en preuve un tel compte rendu, dans le cas où un policier serait accusé au criminel, porterait atteinte au principe du privilège de non-incrimination prévu à la Charte des droits et libertés. L'APPQ rappelle que le rapport d'enquête du Bureau doit être remis au Directeur des poursuites criminelles et pénales afin de déterminer si des accusations criminelles seront portées contre les policiers impliqués.

Dans son mémoire déposé en mars 2012, l'Association avait par ailleurs averti que l'interdiction faite aux policiers de communiquer entre eux après un événement était «déraisonnable et ne tient aucunement compte de la réalité opérationnelle de ce genre d'événement». Elle n'a toutefois pas réitéré cette réserve dans le communiqué diffusé mercredi.