Une Montréalaise serait devenue au début de l'été la première transsexuelle québécoise à obtenir la garde partagée de son enfant devant les tribunaux. La Cour supérieure a déterminé que la femme - une professionnelle de la santé qui a entrepris sa transition sexuelle il y a huit ans - pouvait assumer la garde de son enfant de 9 ans même si ce dernier éprouve un certain malaise devant la transformation de son père biologique, et que l'autre parent n'accepte pas la situation. Cinq points pour comprendre une décision qui risque de servir de référence pour d'autres parents transsexuels.

Même capacité parentale

Dans sa décision, le juge Pierre Nollet, de la Cour supérieure, accorde finalement assez peu d'importance au fait que l'un des parents soit transsexuel, mais toute la situation familiale est teintée par cette réalité. Le juge note que la mère biologique « démontre ne pas avoir accepté la transition de genre » et « exprime certaines réserves à l'égard des capacités parentales » de son ex-conjoint - devenu son ex-conjointe -, dont elle craint « l'instabilité psychologique ». Le magistrat, en se basant sur les rapports de spécialistes, rejette ces reproches et accorde la même capacité aux deux parents.

Malaise

Le juge Nollet, qui devait trancher le conflit de garde sur la seule base de l'intérêt supérieur de l'enfant, évoque toutefois la « gêne [de l'enfant] à l'égard de la transition de genre subie par celle qui est son père biologique ». L'enfant craindrait notamment d'inviter ses amis chez sa mère transsexuelle. « Or, l'enfant est à l'aube de l'adolescence, écrit le juge. Le moment présent est une opportunité de conforter l'enfant dans sa relation sociale avec son parent transsexuel. »

Une première

Selon Jean-Sébastien Sauvé, chargé de cours en droit à l'Université de Montréal et spécialiste du domaine, il s'agit d'un jugement important. « C'est la première fois qu'on a une décision qui clairement dit que l'intérêt de l'enfant commande que la relation avec son parent trans soit valorisée », a-t-il évalué en entrevue téléphonique. Il s'agirait aussi du premier jugement qui accorde la garde partagée à un parent transsexuel. Selon M. Sauvé, cette décision rassurera des individus qui craignent d'être séparés de leurs enfants s'ils entament un changement de sexe.

«Comme n'importe quel autre dossier»

« Moi, ce dossier, je l'ai traité comme n'importe quel autre dossier de garde », a expliqué l'avocate du parent transsexuel, Anne-Marie Le Couffe, en entrevue avec La Presse. « Ça ne fait pas partie des critères de détermination de la garde. » Me Le Couffe a indiqué que sa cliente était très satisfaite de la décision du juge Nollet. La mère biologique n'a pas voulu commenter le dossier. « Ma cliente, pour elle, c'est une affaire privée », s'est limitée à affirmer son avocate, Nathalie Tremblay.

«Modèle familial plus traditionnel»

En 2013, une décision de la Cour supérieure impliquant un parent transsexuel a retiré la garde à ce dernier - la mère biologique devenue « père trans » de l'enfant de 8 ans. Le juge Jocelyn Geoffroy a noté dans sa décision le « modèle familial plus traditionnel » du père biologique, qui avait une nouvelle conjointe, ainsi que le fait que l'enfant ait été « témoin des angoisses et de l'anxiété de son parent » transsexuel au fil de la transition. Le père biologique offrait un cadre « plus sain et mieux approprié pour » l'enfant, a tranché le juge en lui accordant la garde exclusive.