Deux organismes nationaux de défense des libertés civiles contesteront devant les tribunaux la constitutionnalité de certaines dispositions de la «Loi antiterroriste 2015», adoptée en mai dernier aux Communes.

L'Association canadienne des libertés civiles et les Journalistes canadiens pour la liberté d'expression soutiennent que certains articles de cette loi déposée par le gouvernement conservateur violent la Charte canadienne des droits et libertés au-delà de la fameuse «disposition dérogatoire».

L'article premier de la Charte prévoit que les droits et libertés ne peuvent être restreints «que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique». Les deux organismes estiment que ces conditions ne sont pas remplies dans ce cas-ci.

La Loi antiterroriste 2015, appelée «projet de loi C-51» jusqu'à son adoption en mai, accorde au Service canadien du renseignement de sécurité de nouveaux pouvoirs afin de déjouer activement toute menace à la sécurité nationale - et non plus seulement de recueillir des informations sur de présumés complots terroristes.

Elle accroît aussi les échanges d'informations entre les différentes agences fédérales responsables de la sécurité, élargit les pouvoirs de la liste d'interdiction de vol et crée une nouvelle infraction criminelle: encourager quelqu'un à commettre un attentat terroriste. La nouvelle loi prévoit aussi qu'il sera plus facile pour la Gendarmerie royale du Canada d'obtenir d'un suspect un «engagement de ne pas troubler l'ordre public», qui restreint ses mouvements et prolonge la durée d'une éventuelle détention préventive.

La contestation judiciaire sera déposée en Cour supérieure de l'Ontario, ont indiqué mardi les deux organismes de défense des libertés civiles.

Selon le directeur général de Journalistes canadiens pour la liberté d'expression, Tom Henheffer, cette loi constitue «une menace sérieuse» pour les droits des Canadiens. «Elle se traduira par de la censure et par une atteinte massive à la liberté d'expression, et rendrait possibles des abus de pouvoirs étendus.»

Sukanya Pillay, directrice générale et avocate générale de l'Association canadienne des libertés civiles, estime de son côté que la loi «crée de nouveaux pouvoirs étendus et dangereux, sans obligations correspondantes de reddition de comptes, ce qui peut se traduire par des erreurs sérieuses».

Plusieurs intervenants - allant d'organismes environnementaux jusqu'au commissaire fédéral à la protection de la vie privée - se sont inquiétés notamment de l'échange d'informations entre différentes agences fédérales, une pratique qui pourrait mener selon eux à des abus en matière de renseignements personnels.